Les moules n’aiment pas que les eaux saumâtres. Certains ruisseaux d’Ardenne en recèlent également. « En Wallonie, depuis 2017, 80 moules perlières de moins de 15 ans ont été observées dans un ruisseau de la forêt d’Anlier », rapporte Natagora.
« Une observation exceptionnelle pour cette espèce en danger critique d’extinction qui ne s’était plus reproduite en Wallonie depuis des dizaines d’années », précise l’association qui estime que « ces résultats encourageants, mais encore fragiles, sont directement liés aux actions du projet LIFE Moule perlière entreprises entre 2002 et 2007. Un projet mené conjointement par Natagora, le Service public de Wallonie (SPW) et le parc naturel Hautes Fagnes-Eifel.
Depuis un siècle, 90 % des populations de moule perlière (Margaritifera margaritifera) ont disparu en Ardenne, faisant passer le mollusque du statut d’espèce commune à celui d’espèce en danger critique d’extinction.
Entrepris en 2002, le LIFE Moule perlière avait pour objectifs de mettre en place des mesures favorisant la reproduction de la moule perlière sur les bassins de l’Anlier, de la Rulles, de la Sûre et de l’Our.
Sur l’Anlier, la restauration de la bonne qualité de l’eau est passée par la construction de plusieurs stations d’épuration. Sur tous les sites, les berges côtoyant les prairies d’élevage ont été clôturées pour éviter l’accès du bétail, les fonds de vallées ont été “désenrésinés” (abattage des épicéas) et des réserves naturelles, gérées par Natagora ou par la Région, ont été créées en amont.
Stratégie payante
« Ces actions ont permis la restauration d’une meilleure qualité de l’eau d’une part, et d’autre part le “décolmatage” des ruisseaux où les sédiments, en bouchant les espaces entre les graviers, empêchaient la bonne oxygénation du substrat nécessaire à la moule au stade juvénile », précise l’association dans un communiqué.
« Une stratégie payante qui a permis à l’espèce de pouvoir se reproduire à nouveau en Ardenne ». Depuis la fin du LIFE Moule perlière en 2007, l’évolution est surveillée par le Département de l’étude du milieu naturel et agricole (DEMNA) et les agents du Département de la nature et des forêts (DNF) du SPW.
Si la situation s’améliore, l’avenir de la moule perlière en Ardenne n’est pas assuré pour autant : « Nous avons résolu les premiers problèmes, souligne Grégory Motte du Service public de Wallonie et ancien coordinateur du LIFE Moule perlière, cité par Natagora. « C’est une amorce de réussite. Notre objectif est de pouvoir compter, d’ici quelques années, des populations fortes d’au moins 20 % de jeunes, ce qui représente plusieurs dizaines de jeunes moules dans les ruisseaux ardennais ».
Des cours d’eau trop chargés
Plusieurs éléments expliquent la dégradation des populations de moules. Principalement la dégradation de son milieu de vie, constitué en Wallonie des rivières ardennaises proches de l’état naturel, pauvres en nutriments et en calcium, fraîches en été et riches en oxygène.
“Les effluents agricoles, les amendements excessifs, les rejets d’eaux usées non épurés ont enrichi les cours d’eau en apportant des quantités importantes d’azote et de phosphate. Par ailleurs, la disparition des zones humides ou la plantation de résineux dans les fonds de vallée ont également porté préjudice à nos ruisseaux et altéré la qualité et la quantité des ressources alimentaires de la moule. Plus localement, l’accès du bétail et d’engins motorisés au lit des cours d’eau détruit, par écrasement, les individus ayant échappé aux autres menaces », précise Grégory Motte.
Au Grand-Duché de Luxembourg, un autre projet Life visant à la protection des moules d’eau douce est également sur rails: le projet LIFE UNIO. Il vise à protéger les deux dernières populations de mulettes épaisses (Unio crassus) du pays. Deux populations situées sur l’Our et la Sûre, juste au-dessus de Martelange.