Francesco Lo Bue - Mesure de la vitesse de la lumière. UMons

A Mons, on occulte la lumière pour mesurer sa vitesse

30 décembre 2016
par Christian Du Brulle
Durée de lecture : 4 min

Le Beffroi de Mons ne fait pas que dominer la ville du Doudou. Il est aussi le siège, depuis quelques jours, d’une expérience scientifique aussi fascinante que ludique proposée par Sciences et Techniques au Carré (SciTech²), le centre de diffusion de sciences et des techniques de l’Université de Mons (UMONS).

Depuis le 3e étage du Beffroi, il s’agit, ni plus ni moins, de mesurer la vitesse de la lumière! « Elle file à environ 300.000 kilomètres par seconde », explique le physicien Francesco Lo Bue. « Autant dire que pendant longtemps, l’Humanité a considéré cette vitesse comme instantanée. La lumière était là ou elle ne l’était pas ».

C’était sans compter sur la curiosité de quelques têtes bien faites au fil des siècles. L’une d’elles, celle du Français Hippolyte Fizeau, a imaginé mesurer sa vitesse. En 1849, il met au point un dispositif lumineux entre Suresnes et Montmartre, à Paris. Un système basé sur une source lumineuse, une roue dentée qui tourne et qui laisse passer la lumière ou qui la bloque, et un réflecteur.

Ecoutez Francesco Lo Bue expliquer comment Fizeau a monté son expérience

Si Fizeau a utilisé une source lumineuse et un réflecteur distants de 8 633 mètres, à Mons, c’est un laser qui est utilisé pour « tirer » sur une cible située sur le châssis à molettes du Pass, le Centre de culture scientifique de Frameries, à « seulement » 5,4 kilomètres du beffroi montois. Et cela fonctionne parfaitement.

L’expérience est rarissime. Depuis Fizeau, elle n’a quasi jamais été répétée. En Belgique elle est totalement inédite.

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Sortie du faisceau laser au beffroi de Mons

L’expérience proposée à Mons utilise un laser vert de 5 milliwatts. Le disque strié de fentes utilisé pour cette expérience est doté de 445 « fenêtres » et est capable d’effectuer 100 tours par seconde. Il « hache » ainsi le faisceau lumineux jusqu’à 44.500 fois par seconde.

Un dispositif à peine plus sophistiqué que celui de Fizeau, il y a plus d’un siècle et demi. Voici ce qu’en dit SCiTech2.

L’expérience historique

Paris, juillet 1849. La nuit est tombée sur la colline de Suresnes.
Le dispositif expérimental est enfin prêt : un morceau de craie, un chalumeau, une lunette, et un étrange assemblage de lentilles, d’engrenages et de manivelles, une merveille mécanique digne des meilleurs horlogers, imaginée par un génie et réalisée par un artiste.

À Montmartre, à 8 633 mètres de là précisément, un autre appareil est lui aussi fin prêt. Il attend le signal afin de le retourner à l’expéditeur. L’Histoire est sur le point de s’écrire, en lettres de lumière.

Sous la flamme du chalumeau, le bâton de craie se métamorphose, transfiguré : une lumière prodigieuse, insoutenable, s’en dégage, immédiatement canalisée par le dispositif expérimental qui parvient à la diriger vers Montmartre. Mais une impitoyable petite roue hérissée de 720 dents acérées, tournant à grande vitesse, intercepte le faisceau et le hache à une cadence infernale, sans répit. Et tout se passe comme prévu : lumière et mécanique exécutent l’inédite chorégraphie imaginée par Hippolyte Fizeau…
Le physicien est sur le point de réussir son pari, sa machine à mesurer la vitesse de la lumière fonctionne. Dans quelques instants, il va entrer dans tous les livres d’histoire.

Une constante universelle depuis 1983

L’expérience montoise est splendide et intrigante. Elle est visible au Beffroi jusqu’au 12 mars. Notons toutefois que depuis 1983, en ce qui concerne la mesure de la vitesse de la lumière, elle est aussi parfaitement inutile. Et pour cause, cette année-là, lors de la 17e Conférence générale sur les poids et mesures à Paris, la valeur de « c » a été définitivement fixée à 299.792,458 kilomètres par seconde. Cette célérité « c » est alors devenue une constante universelle, mais aussi la référence pour définir l’unité de longueur, le mètre.

Notons au passage qu’avec son expérience, Fizeau était arrivé à la conclusion que la vitesse de la lumière était de 315.300 km/s. Pas mal, avec les moyens dont il disposait à l’époque!

livre-c-au-beffroiUn livre pour prolonger la visite

Pour ceux et celles qui voudraient en savoir plus sur la lumière, sa vitesse et l’histoire de sa mesure, l’UMons propose en marge de cette expérience au Beffroi un ouvrage collectif « c au Beffroi, vous êtes invités à venir mesurer la vitesse de la lumière ».

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