Des chercheurs bruxellois marquent une avancée majeure dans la compréhension et le traitement des leucémies. Leur découverte ouvre la voie à une détection et à une thérapie anticancéreuse inédites. Elle s’appuie sur un rôle insoupçonné d’un gène clef muté chez plus de 50% des patients atteints d’une leucémie. En Belgique, on diagnostique chaque année environ 1.300 nouveaux cas de leucémie, un type de cancer du sang qui peut toucher l’ensemble de la population. Chez l’enfant, les leucémies représentent 1/3 des cas de cancer diagnostiqués. La chimiothérapie est le traitement principal des leucémies.
Souvent, la cause exacte ne peut pas être déterminée et les mécanismes moléculaires et cellulaires responsables des leucémies restent largement mystérieux. La découverte de nouveaux modes de détection et de nouveaux traitements pour éradiquer les leucémies constitue donc un défi majeur en oncologie.
Epigénétique de l’ARN
L’ARN messager a été médiatisé ces derniers mois, via les vaccins contre le COVID-19. Des chercheurs de l’Université libre de Bruxelles (ULB), de l’Institut Bordet et de l’Hôpital universitaire de Bruxelles (H.U.B.) ouvrent une autre voie de recherche, tout aussi novatrice : des thérapies anticancéreuses inédites grâce à l’alphabet complexe de l’ARN messager (ou épigénétique de l’ARN).
Tout comme pour l’ADN, outre les 4 lettres bien connues (A, U, G, C), des lettres additionnelles habillent chimiquement l’ARN. C’est le cas de la lettre m5C, ou méthylation de l’ARN messager, qui joue un rôle essentiel dans la régulation des gènes, et ce, grâce à la lecture de m5C par des protéines qui s’y fixent, appelées « lecteurs». Ces lecteurs de m5C sont encore peu décrits et leur rôle dans le cancer est inconnu.
Une protéine particulière
Les récents travaux de l’équipe du Prof. François Fuks – directeur du Laboratoire d’Epigénétique du Cancer, Faculté de Médecine ULB et Institut Bordet H.U.B. et directeur de l’ULB Cancer Research Center (U-CRC) – ont identifié un nouveau lecteur de l’ARN, SRSF2 et lèvent pour la première fois le voile sur le rôle clef que joue la protéine SRSF2 dans le développement des leucémies.
SRSF2 est un des gènes les plus fréquemment mutés dans les leucémies : jusqu’à 50% dans certains types de leucémies.
Les chercheurs ont mis en évidence un mécanisme moléculaire conduisant aux leucémies jusqu’ici insoupçonnées : la mutation de SRSF2 altère sa capacité à lire m5C sur l’ARN, ce qui entrave sa fonction de régulation des ARN messagers.
En outre, grâce à l’analyse de près de 700 échantillons de malades atteints de leucémie, le Pr François Fuks et ses collègues ont pu identifier, sur base de l’altération de SRSF2 à lire m5C, un nouveau groupe de patients dont la survie est particulièrement entravée.
Un meilleur diagnostic grâce à l’alphabet de l’ARN
Ces découvertes devraient non seulement ouvrir un nouveau chapitre des connaissances sur la compréhension de l’apparition des leucémies, mais elles devraient également nous diriger vers un nouveau paradigme de diagnostic et de traitement basé sur l’épigénétique de l’ARN.
Concrètement, les découvertes pourraient conduire à diagnostiquer spécifiquement les patients à mauvais pronostic vital, dont la fonction de « lecteur m5C» de SRSF2 est affectée. En outre, une nouvelle approche thérapeutique des leucémies pourrait être envisagée en développant un inhibiteur qui rétablirait la lecture correcte de m5C.