Mission de terrain pour le Pr Pattyn, au départ de la Station "Princess Elisabeth Antarctica".
Mission de terrain pour le Pr Pattyn, au départ de la Station "Princess Elisabeth Antarctica".

Beau bilan pour la station polaire “Princess Elisabeth Antarctica”

21 novembre 2016
par Christian Du Brulle
Temps de lecture : 5 minutes

Alors que les chercheurs belges attendent de pouvoir mettre le cap sur l’Antarctique pour la saison 2016-2017 (lire en fin d’article), le bilan scientifique de la station Princesse Elisabeth est plus que positif.

 

« Après huit années d’existence, la « densité scientifique » y est impressionnante, estime le Pr Frank Pattyn, Président du Comité National Belge pour la Recherche Antarctique.

 
La station « Princess Elisabeth Antarctica », de son nom officiel, accueille des chercheurs depuis la saison d’été austral 2008-2009. Au fil des années elle a permis à plusieurs dizaines de scientifiques de mener leurs travaux dans la région. Plusieurs autres, invités par la Fondation polaire internationale, y ont également séjourné.

 

Pour quels résultats? « C’est ici qu’il y a lieu de se frotter les mains », souligne le Dr Frank Pattyn, co-directeur du laboratoire de glaciologie à l’ULB.  « Grâce à elle, les articles scientifiques publiés dans différents domaines de la recherche sont nombreux. Cette « densité scientifique »,  qui s’est développée au départ de la station, est remarquable ».

 
Une localisation stratégique

 

« Force est de constater que sa localisation géographique est excellente », estime le président du Comité Antarctique belge. « La station PEA se situe dans une partie du continent antarctique qui était jusqu’alors peu fréquentée par les scientifiques. Donc peu connue”.

 

Les recherches et les instruments géophysiques et atmosphériques installés par l’Observatoire royal de Belgique et par l’Institut royal météorologique, avec des chercheurs de la KULeuven et de l’Université de Luxembourg, permettent l’acquisition régulière de données. Ces observations à long terme sont utiles pour la recherche et apportent une connaissance plus fine de ce qui se passe dans cette région du monde.

 
La santé mentale des « Antarcticiens » étudiée par la VUB et l’Ecole Royale militaire

 
En matière de glaciologie, la situation de la base belge (non loin des montagnes Sor Rondane) est également appréciable. Tout comme en biologie. Des travaux intéressants sont menés depuis la station PEA, notamment par le Pr Wilmotte, de l’Université de Liège et ses collègues de l’Université de Gand.

 
Dans un tout autre domaine, les publications cosignées par le médecin Nathalie Pattyn, professeur à la Vrije Universiteit Brussel (VUB) et à l’École Royale militaire sont également remarquables. Ses séjours en Antarctique lui ont permis d’étudier divers paramètres psychophysiologiques chez les personnes fréquentant ce milieu extrême et hostile, forcément stressant.

 

Elle a étudié l’impact de cet environnement sur la qualité de leur sommeil par exemple. Elle s’est aussi intéressée aux effets de la journée de 24 heures (de lumière) pendant plusieurs mois sur leur rythme circadien. Ou encore comment l’activité physique dans cet environnement marqué par le froid et l’altitude influence la qualité du sommeil des « forçats des glaces ».

 
Trente-six publications en 8 ans

 
Une bonne affaire donc, la Station PEA pour la recherche? S’il ne faut retenir qu’un chiffre, c’est celui-ci: 36. Il s’agit du nombre de publications scientifiques engrangées par les chercheurs belges après seulement huit années de campagnes à la Station Princess Elisabeth Antarctica.

 
« Et il ne faut pas oublier les thèses et les travaux d’étudiants », insiste encore le Pr Frank Pattyn. « Certains doctorants ont même bénéficié de la bourse Inbev Baillet-Latour Antarctica pour mener là-bas leurs expériences scientifiques.

 
2016-2017: une saison “blanche” pour la recherche?

 
La saga juridique qui se joue entre la Fondation polaire internationale (IPF) d’Alain Hubert, opérateur logistique historique de la Station Princess Elisabeth, et les pouvoirs publics (dont la ministre N-VA Elke Sleurs en charge de la Politique scientifique fédérale) a un impact direct, cette année, sur l’organisation et le déroulement de la saison scientifique belge en Antarctique.

 

« Pour l’instant, les chercheurs attendent » constate le Pr Pattyn, Président du Comité Antarctique Belge. « Alors que la saison vient de démarrer, aucun chercheur belge n’est encore parti ».
 

La mission d’entretien de la Station Princesse Elisabeth planifiée par le gouvernement belge a été suspendue par un récent arrêté du Conseil d’État.», explique Maaike Vancauwenberghe, responsable des programmes scientifiques antarctiques belges à la Politique Scientifique fédérale. « Cet Arrêt définit, conformément au cadre légal actuel, que seul le Secrétariat polaire, via son Conseil stratégique, peut décider de l’organisation d’une campagne à destination de la Station. Après la tentative avortée d’envoyer une équipe comprenant du personnel de la Défense et de la Politique Scientifique fédérale à la Station Princess Elisabeth il y a un mois, pour organiser la saison scientifique prévue, un nouveau Conseil Stratégique doit être reconstitué pour entériner un nouveau programme pour la Station Princesse Elisabeth. Cela sera fait dès que possible ».

 
En attendant, les chercheurs trépignent. Ceux qui étaient prêts à partir il y a un mois le sont toujours. Mais le temps passe. La saison d’été en Antarctique n’est pas longue. Trois à quatre mois  tout au plus. Huit scientifiques étaient dans les starting-blocks. « Avec une saison rabotée qui ne pourrait commencer qu’en décembre au plus tôt, seule la moitié d’entre eux auraient une chance de partir », estime madame Vancauwenberghe. « Et il n’y a pas que les chercheurs. Le programme scientifique prévoit aussi diverses manutentions sur place pour le compte d’autres projets. Il s’agit de récupérer des données et des instruments, mais aussi d’installer diverses nouvelles balises. Neuf projets de recherche en tout sont concernés ».
 

Ce qui est clair aujourd’hui, c’est que si une campagne scientifique belge démarre quand même cette année, mais avec du retard, ce ne sera qu’une « petite saison ».  « Et encore», nous glisse un chercheur, «on n’est toujours pas certain de partir… »
 
 
Note : Cet article est un condensé de la longue enquête publiée ce week-end par le journal l’Echo sur la « rentabilité scientifique » de la Station polaire belge Princess Elisabeth Antarctica.

 

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