La science est partout autour de nous. Elle concerne tous les objets de notre quotidien. Les exemples qui émaillent l’ouvrage de vulgarisation scientifique du physicien Pasquale Nardone (ULB) l’illustrent à souhait. Y compris la planche de surf. Mais est-il vraiment nécessaire de dépiauter le four à micro-ondes, le code-barre, la bougie, la tondeuse à gazon ou encore les allumettes…? Un exercice auquel il se livre dans l’ouvrage « 30 objets cachent une science », publié par l’asbl NGC 224 Andromède, à Bruxelles. Sa réponse est limpide.
« Actuellement, en Belgique, 97% de la population n’a jamais bénéficié de formation sérieuse aux sciences”, estime Pasquale Nardone. “Lorsqu’on parle de choses pointues et complexes, on ne s’adresse donc qu’à 3% des gens. Si on veut faire de la vulgarisation, il faut donc s’intéresser aux 97 % restants ».
L’analyse du professeur de physique à l’Université Libre de Bruxelles est implacable. Mais comment justifie-t-il ces chiffres? Ce docteur en cosmologie qui consacre une bonne partie de son temps à la vulgarisation des sciences et à diverses chroniques scientifiques dans les médias est aussi un observateur du domaine.
Réintroduire la rationalité et l’expérimentation
« La formation scientifique dans l’enseignement supérieur concerne les « dernières nouvelles du secteur », rappelle-t-il. « Alors que la formation en science des régents (les professeurs des trois premières années de l’enseignement secondaire) s’arrête au 18e siècle”, caricature-t-il. “Si on veut élever le niveau de connaissance scientifique de la population, je ne vois pas 36 alternatives ».
“Je pense qu’il faut réintroduire une certaine forme de rationalité chez le public qui ne dispose pas de la formation nécessaire aux sciences. Cela doit être un des objectifs de la vulgarisation, surtout dans notre société technocratique. Nos jeunes seront demain des décideurs, des hommes et des femmes politiques. Ils doivent être mieux formés aux sciences et à leurs enjeux”.
Remettre les sciences dans leur contexte culturel
“Deuxièmement, il faut également que l’expérimental reprenne sa place dans les écoles. A ce propos, j’observe la plus grande liberté des enseignants des écoles primaires par rapport aux écoles secondaires. Avec ce paradoxe: qui retrouve-t-on aujourd’hui dans les classes de primaires? Essentiellement des enseignantes, et très peu d’instituteurs. Et quel est le public de nos facultés des sciences en mathématiques, en chimie et en physique? Un public essentiellement masculin”.
“Troisièmement, il me semble également indispensable de remettre les sciences dans leur contexte quand on les enseigne. Il faut montrer d’où elles viennent, d’un point de vue historique. Il faut montrer leurs implications et leurs imbrications dans la Société”.
Gille de Binche, ondes électromagnétiques et ADN
“Il faut redorer le fait que la Science fait partie de la Culture. Au même titre que le Gille de Binche fait partie du patrimoine mondial de l’Humanité, il en va de même des ondes électromagnétiques et de l’ADN. Il faut le dire, le montrer, l’expliquer! Au risque sinon de continuer à baigner dans une certaine mystique qui voudrait que les sciences, ce n’est que pour les quelques scientifiques qui s’y adonnent. Quand on se soumet à un test sanguin, ce n’est pas qu’une question de piqûre et de formulaire où le médecin coche une série de cases. C’est de la science et cela nous concerne au premier chef!”
“Dans le même ordre d’idée, je pense aussi qu’il faut montrer que le métier de scientifique est un métier « normal ». Il faut banaliser les sciences. Elles sont absolument partout.”
C’est ce que le scientifique s’emploie à faire dans son ouvrage. Un exemple?
Le zéro
« Le terme zéro viendrait du sanskrit. En arabe il se prononce « sifr » qui signifie «grain » ou « vide ». « zefiro » en italien. « zefirot » en hébreux, il deviendra ensuite le zéro que nous connaissons », indique Pasquale Nardone.
« Le zéro est une invention intellectuelle importante, car elle pose une grande question philosophique, à savoir que représentent les nombres ? Est-il nécessaire d’avoir un symbole pour désigner ce qui est inexistant ? »
« La création de ce symbole, dont l’origine se perd dans l’histoire des temps, a été pourtant essentielle. Grâce à l’apparition de l’écriture des nombres par positionnement, la notation des chiffres les uns à la suite des autres – représentant les unités, les dizaines, les centaines (lorsqu’on est en base dix), le zéro est devenu une innovation fondamentale ».