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Pister l’ADN pour recenser la biodiversité

21 août 2019
par Camille Stassart
Temps de lecture : 4 minutes

Série (3/5) : « Les spin-offs esquissent le futur »

Le frelon asiatique, la moule quagga ou encore la berce du Caucase. Ces espèces exotiques ont été classées comme invasives par le Service public wallon de l’environnement. Plus compétitives, envahissantes et parfois porteuses de nouveaux pathogènes, elles représentent un danger pour nos écosystèmes. La gestion des plantes et animaux, qu’ils soient menacés ou envahissants, passe nécessairement par leur recensement.

Inventorier la biodiversité est la spécialité de l’entreprise namuroise « e-biom ». Cette jeune spin-off de l’Université de Namur propose ses services comme laboratoire d’analyses génétiques dédié à la conservation de la biodiversité et à la protection de l’environnement.

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Tout organisme laisse dans l’environnement des traces de son ADN, lequel s’y conserve plusieurs jours. L’échantillon d’eau sera ensuite passé sous la loupe génétique © e-biom

Pister l’ADN des espèces coupables d’invasion

« Utiliser des méthodes génétiques pour réaliser des inventaires biologiques est encore rare chez nous. Nous sommes d’ailleurs la seule entreprise en Belgique à commercialiser la méthode de l’ADN environnemental (ADNe) », indique Jonathan Marescaux, docteur en biologie et fondateur de la spin-off.

Concrètement, tout organisme laisse dans l’environnement des traces de son ADN. Que cela soit par ses déjections, ses gamètes, sa salive, sa peau ou encore ses cellules décomposées après sa mort. Cet ADN se conserve pendant plusieurs jours en milieu aquatique. Cette durée de conservation s’étend même à des centaines de milliers d’années dans le permafrost.

La méthode de l’ADNe consiste à récupérer cette carte de visite en collectant un échantillon du milieu, comme de l’eau ou de la terre. Les scientifiques réalisent ensuite des analyses génétiques sur ces échantillons. Elles permettent d’attester la présence ou l’absence d’une espèce. Mais aussi de déterminer l’ensemble des espèces qui séjournent dans l’écosystème analysé.

L’eau claire des rivières, pas vraiment une bonne nouvelle

« Cette méthode est très pratique pour la détection d’espèces rares, et moins contraignante que les techniques classiques de recensement qui demandent des ressources humaines et temporelles importantes. L’intérêt de l’ADNe réside finalement dans sa facilité et sa rapidité à établir un inventaire », annonce le responsable d’e-biom.

Cela représente un atout important pour la gestion des espèces exotiques envahissantes. En effet, plus ces espèces seront détectées rapidement, plus les plans de gestions seront efficaces. À ce jour, 12.000 espèces exotiques ont été observées en Europe. Environ 15 % d’entre elles sont considérées comme envahissantes. En Wallonie, on estime qu’une centaine de plantes et d’animaux menacent aujourd’hui notre environnement. Les milieux aquatiques sont généralement les plus menacés.

« On se réjouit parfois de constater que l’eau de nos rivières est de plus en plus claire. Pourtant, cela n’est pas forcément le signe de bonne qualité biologique. Cela signifie en réalité que les algues ont disparu. Plusieurs espèces exotiques se nourrissant de plancton ont en effet proliféré dans nos rivières. C’est le cas de la moule quagga, une espèce d’eau douce du bassin de la mer Noire que l’on retrouve aujourd’hui chez nous. Elle est très vorace et épuise rapidement les ressources des cours d’eau. »

« C’est toute la chaîne alimentaire qui s’en trouve impactée. Cela met en péril d’autres organismes, dont la moule perlière qui est, chez nous, une espèce protégée », souligne Jonathan Marescaux.

Le scientifique assure toutefois qu’il n’est pas trop tard pour protéger ces écosystèmes. Il sera peut-être difficile d’inverser la tendance, mais il est encore temps de limiter les dégâts.

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L’équipe d’e-biom, composée de deux docteurs et d’un master en biologie, compte développer un service de R&D. © e-biom

La nature, un moteur d’innovations

Selon le dernier rapport de la Plateforme intergouvernementale sur la biodiversité et les services écosystémiques (IPBES), près d’un million d’espèces animales et végétales sont aujourd’hui menacées d’extinction. Alors que les causes sont multiples, les solutions innovantes sont les bienvenues.

« La technologie dans ce secteur évoluant vite, il est primordial de continuer à mener des projets de recherche ». L’équipe d’e-biom, composée de deux docteurs et d’un master en biologie, compte développer un service de R&D. Et ce, tout en poursuivant, en parallèle, des collaborations dans des programmes de recherche régionaux, nationaux et européen.

Jonathan Marescaux a toujours souhaité travailler dans la conservation de la nature. Mais il reconnaît que fonder cette spin-off a représenté un challenge. « L’entreprise se porte bien, mais cela n’a pas été évident de passer du milieu académique au monde entrepreneurial. Avec cette spin-off, j’ai dû développer de nouvelles compétences en management, en gestion financière, en communication, etc. »

Ce changement de cap a toutefois aussi été synonyme de soulagement : « Créer une start-up est certes ambitieux, mais cela m’offre l’avantage d’être indépendant, de m’investir localement et d’ainsi mieux concilier vie privée et vie professionnelle », témoigne le jeune entrepreneur.

De 2015 à 2018, e-biom a reçu le soutien financier du programme wallon First Spin-off.

 

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