C’est à un voyage rafraîchissant que nous convie le Muséum de l’Institut royal des Sciences naturelles de Belgique. Un voyage sur et sous la glace qui borde le continent antarctique.
Signe particulier de cette nouvelle exposition: elle est toute en films et en photos. Elle fait la part belle aux images prises en 2015 par le cinéaste français Luc Jacquet (réalisateur de « La Marche de l’Empereur »). Avec son équipe, il a passé 45 jours sur le Continent blanc, du côté de la station scientifique française Dumont d’Urville.
Immersion dans une colonie de manchots empereurs
L’expo est dès lors visuelle, esthétique. Seuls quelques objets humains relatant la vie des scientifiques et des cinéastes plongeurs en Antarctique (des traîneaux, des combinaisons, du matériel polaire,…) sont présentés. Pas l’ombre, par contre, d’un animal naturalisé. Pour le reste, place à l’image.
La biodiversité marine qui borde la base française Dumont d’Urville, en Terre Adélie, est, par contre, omniprésente dans l’exposition. En surface, on retiendra surtout le film de six minutes qui clôture la visite et qui retrace une année de la vie d’une colonie de manchots empereurs. Un spectacle « immersif », en ce sens que quatre écrans cintrés formant un vaste cercle donnent l’illusion au visiteur qu’il fait partie intégrante de cette colonie…
Trois projets de recherche belges en phase finale
L’exposition française est complétée par la présentation de divers projets de recherche scientifique belges en Antarctique. Outre la mention de la station belge « Princess Elisabeth », située de l’autre côté du continent blanc par rapport à la base Dumont d’Urville, on découvre, toujours en images, trois projets scientifiques auxquels participe l’Institut royal des Sciences naturelles de Belgique.
« Il s’agit du programme RECTO qui, le long des côtes de l’océan Austral, surveille l’impact des changements climatiques sur la vie en Antarctique », précise Maaike Vancauwenberghe, gestionnaire des programmes de recherche antarctique à la Politique scientifique fédérale (BELSPO), qui finance ces projets dans le cadre du programme fédéral BRAIN.
Avec le réchauffement climatique, la biodiversité des écosystèmes antarctiques fait face à des enjeux majeurs. Le projet RECTO (Refugia and Ecosystem Tolerance in the Southern Ocean, qui se termine en 2020) se concentre sur six groupes zoologiques de l’Antarctique, en fonction de leur place dans la chaîne alimentaire : oiseaux, bivalves, amphipodes, étoiles de mer et oursins, poissons et ostracodes. En examinant comment leurs ancêtres ont réagi à de précédents changements climatiques, les chercheurs essaient de mieux comprendre la situation actuelle et de prédire les scénarios futurs.
Le projet MICROBIAN (Microbial diversity and functioning in Antarctica) s’intéresse aussi aux impacts des changements climatiques sur la vie en Antarctique, mais sur les nunataks, ces sommets sans neige des montagnes Sør Rondane, non loin de la base belge Princess Elisabeth.
Ces zones terrestres libres de glace sont rares en Antarctique. La vie y est dominée par les microbes. Bon nombre de ces micro-organismes ne sont présents qu’en Antarctique. Le projet Microbian explore leur répartition et leur biodiversité. Grâce à des images satellitaires, les chercheurs identifient des lieux intéressants, dans lesquels ils se rendent ensuite en motoneige pour prendre des échantillons des tapis microbiens. À l’aide d’expériences avec des « open top chambers » (sortes de mini-serres ouvertes sur le haut) et de barrières à neige (pour simuler la chute de neige), ils étudient comment un climat plus chaud influe sur les communautés microbiennes.
Enfin, le projet BAMM (Belgian Antarctic Meteorites and Micrometeorites) est pour sa part centré sur l’étude des (micro)météorites de l’Antarctique. Ceci afin de mieux comprendre l’évolution et le processus de formation de nos planètes et du système solaire. Les anciens sommets sans neige des montagnes Sør Rondane sont ici aussi un terrain de chasse idéal pour les débusquer. La poussière cosmique s’y accumule depuis des millions d’années. En 2018, le chimiste spécialiste du cosmos Matthias Van Ginneken est parti à la chasse aux météorites en Antarctique et est revenu avec plus de 100 kilos de sédiments, qui contiendraient selon les estimations environ 50 000 micrométéorites ! Il partage son aventure dans la vidéo.
Ces trois projets, qui se clôtureront en 2020 et en 2021, illustrent bien certains volets des recherches menées par les scientifiques belges en Antarctique. Actuellement, la Politique scientifique fédérale (BELSPO), finance les travaux de 41 chercheurs actifs en Antarctique. Des chercheurs qui relèvent d’une dizaine d’institutions de recherche différentes dans le pays. Le programme de recherche antarctique fédéral belge a été lancé en 1985, à l’occasion de l’organisation de la Réunion consultative du Traité sur l’Antarctique (RCTA) en Belgique. Un nouvel appel à projets devrait être lancé l’an prochain.