Vingt ans, c’est un bel âge. C’est aussi la durée depuis laquelle un observatoire spatial européen, dénommé XMM-Newton, scrute le ciel X. En observant la lumière de haute énergie, il dévoile les facettes les plus violentes de notre Univers. Alors qu’il a permis de nombreuses découvertes extraordinaires, notamment dans le domaine des étoiles massives, son successeur, Athena, prendra le relais en 2030. Tout au long de son cursus académique, la Dre Yaël Nazé, astrophysicienne (ULiège), chercheuse qualifiée du FNRS, a participé aux étapes clés, tant techniques que scientifiques, de XMM. Elle prépare la venue d’Athena avec un « serious game » plaçant le joueur dans la peau dans un astronome.
Caractérisation optique
Le projet XMM (acronyme de X-ray Multi-Mirror) est discuté depuis les années 1980. Une décennie plus tard, sa construction va bon train. Le Centre spatial de Liège a apporté une précieuse contribution technique. Une nouvelle salle blanche ainsi qu’une nouvelle cuve d’une dizaine de mètres de haut ont été construites spécifiquement pour tester les miroirs du projet européen. Différentes configurations ont été passées au crible avant que le choix final soit porté sur une combinaison de 58 miroirs.
Parmi les différents scientifiques à l’œuvre, Yaël Nazé, alors en dernière année d’ingénieur de la faculté polytechnique de l’UMons. « J’ai participé aux tests de calibration de l’optique de XMM dans le cadre de mon mémoire », se rappelle-t-elle.
Les étoiles massives au centre de l’attention
Une fois le lancement effectué, le 10 décembre 2019, quelle a été la contribution scientifique de l’ULiège au projet XMM ? « Hormis une petite partie extragalactique, elle a surtout consisté en l’étude des étoiles massives. En 20 ans, une quinzaine de chercheurs du laboratoire et sept doctorants, dont moi-même, ont travaillé sur ce sujet. Plus d’une centaine de publications avec évaluation par les pairs en ont découlé », précise Yaël Nazé.
A l’heure actuelle, XMM a accouché de 6285 articles évalués par les pairs pour 3700 révolutions (de deux jours) autour de la Terre. C’est l’une des missions les plus productives de l’ESA.
Les statistiques lèvent un coin du voile sur les étoiles massives
Elle a permis de révolutionner les connaissances stellaires. Avant XMM, peu de rayons X émanant d’étoiles massives avaient été observés. L’observatoire européen a permis d’en collecter de grands échantillons. Et donc, de permettre le calcul de précieuses statistiques.
« Contre toute attente, grâce aux statistiques, on a pu mettre en évidence que les étoiles binaires n’étaient pas beaucoup plus brillantes en X. On a aussi pu déterminer les propriétés des étoiles évoluées, des étoiles magnétiques, voir en quoi elles étaient différentes des autres, etc. »
« Dernièrement, on a découvert des objets particuliers dont on ignore encore pourquoi ils émettent en X. Durant l’année qui vient de s’écouler, on a en observés deux fois plus. C’est de la science en train de se faire. Et c’est très excitant », s’enthousiasme la chercheuse du Groupe d’Astrophysique des Hautes Energies au sein de l’Unité de recherche STAR de l’ULiège.
Le vent stellaire demeure méconnu
Ces étoiles-là perdent de la matière en permanence. Il s’agit du vent stellaire. Il va jusqu’à 10 fois plus vite que le vent solaire. Et jusqu’à 100 millions de fois plus de matière s’en échappe chaque seconde. S’il a de multiples rôles (ensemencement le milieu interstellaire, favorisation ou arrêt de la formation de nouvelles étoiles), il demeure méconnu.
« Grâce au rayonnement X, on a pu montrer que la perte de masse était inférieure à ce qu’on pensait, et qu’elle était fragmentée en un très grand nombre de petits morceaux. Par ailleurs, on a observé des structurations à grande échelle, des pulsations interpellantes : le vent stellaire est plus complexe que ce qu’on pensait. Et est doté de propriétés étonnantes », résume la chercheuse.
Dans le cadre de XMM, elle a également beaucoup travaillé sur les couples de deux, trois, voire quatre étoiles massives.
XMM prendra sa retraite vers 2030
La mission XMM était à l’origine prévue pour durer deux ans. La riche moisson d’informations et l’enthousiasme des scientifiques ont poussé l’ESA à repousser à maintes reprises la mise à la retraite de l’observatoire spatial européen. Et ce, surtout qu’au fil des années, la sensibilité de ses instruments embarqués ne s’est pratiquement pas dégradée.
Par contre, la quantité de carburant diminue à chaque changement d’objet à observer. C’est elle qui déterminera la date de fin de vie de l’observatoire. « XMM ne pourra peut-être pas aller jusqu’en 2030, mais on n’en sera pas loin », espère Yaël Nazé.
Athena, le nouveau grand observatoire européen d’astronomie X
2030, c’est l’année qui verra s’envoler Athena (acronyme de Advanced Telescope for High ENergy Astrophysics), l’observatoire spatial européen dédié aux rayons X actuellement en construction. Son coût ? Comme XMM, environ un milliard d’euros.
« Mais il sera encore plus sensible et permettra de voir les objets bien plus en détail », se réjouit l’astrophysicienne. « Ces détails permettront d’aller plus loin dans la physique. On sait que les surprises seront nombreuses ! »
Deux instruments seront embarqués. XIFU, un spectromètre, fournira des spectres à très haute résolution. Quant à WFI, un imageur très sensible, il permettra de regarder des étoiles dans les autres galaxies.
Positionnement à un point de Lagrange
Athena devrait être placé à l’un des points de Lagrange. « Le cœur balance encore entre L1 et L2. L’observatoire ne sera pas en orbite autour de la Terre, mais à un point d’équilibre entre la gravité du Soleil et celle de la Terre. Soit côté Soleil, soit côté anti-Soleil, à 1,5 millions de kilomètres de notre planète. Cette configuration particulière permet de voir pas mal de ciel en même temps et a l’avantage d’avoir les sources de perturbations (comme le Soleil), d’un seul côté », détaille Yaël Nazé.
Un « serious game » pour se prendre pour un astronome
En attendant qu’Athena soit opérationnel, l’astrophysicienne, et grande vulgarisatrice, a créé un jeu de plateau du même nom, en accès libre pour 2 à 6 joueurs, dès 12 ans.
Il met les joueurs dans la peau d’un astronome travaillant avec le futur observatoire spatial. Tout y vrai, des caractéristiques des instruments, aux projets scientifiques qui seront réalisés, mais aussi au temps d’observation nécessaire pour les mener à bien… et à la nécessité de publier en premier pour gagner.
Le diable du jeu et de la découverte astronomique vous démange? Une partie sera jouée par les spectateurs en marge de la conférence « 20 ans d’astronomie des rayons X à Liège : de la recherche fondamentale au serious game » donnée par Yaël Nazé le 17 mars 2020 à la Salle académique de l’Université de Liège.