Pourquoi la Terre est une planète bleue

22 avril 2020
par Christian Du Brulle
Durée de lecture : 4 min

Quelle est l’origine de l’eau sur Terre? Était-elle présente en quantité dès sa formation, il y a 4,5 milliards d’années ? Ou est-elle arrivée plus tard, emprisonnée dans les météorites qui ont abondamment bombardé notre planète dans sa jeunesse? C’est en étudiant Vénus que des astronomes belges de l’ULB, de l’Observatoire royal de Belgique, mais aussi de l’Université de Louvain, rassemblés au sein du projet EOS ET-HoME, tentent de répondre à cette question.

Pourquoi Vénus? Parce que c’est une planète qui ressemble beaucoup à la Terre. « Elle est tellurique, elle est dotée d’une atmosphère et elle affiche le même tour de taille que notre planète », indique le Dr Cédric Gillmann, planétologue au laboratoire G-time, de l’Université Libre de Bruxelles.

La piste vénusienne

Par contre, il n’y a pas, ou plus, d’eau liquide à sa surface. «  Vénus présente une surface qui est assez uniforme. Nous n’avons aucun indice qui montre qu’il y a eu beaucoup d’eau liquide en surface, comme on peut en retrouver à la surface de la Terre », précise le chercheur. « Mais nous décelons des traces d’eau dans son atmosphère ».

En l’absence d’échantillons de sol vénusien à analyser sur Terre, les chercheurs ont opté pour les simulations numériques afin de tenter de mieux comprendre son évolution et l’histoire de son eau.

« Nous considérons la planète comme un système complexe, dont les diverses composantes interagissent entre elles. L’intérieur de la planète interagit avec son atmosphère. Son l’atmosphère interagit avec la partie solide. En combinant ces mécanismes, nous essayons de reconstituer l’évolution de l’atmosphère de Vénus. Et nous confrontons ces résultats avec ce que nous observons aujourd’hui, afin de déterminer si ces mécanismes fonctionnent », précise le Dr Gillmann.

Des doutes sur l’hypothèse des impacts de météorites humides

« Ce qui nous intéresse, ce sont les quantités d’eau, de CO2 et d’azote présentes dans son atmosphère. En reconstruisant l’évolution de ces gaz dans son atmosphère, nous pouvons déterminer quels scénarios sont compatibles avec les observations actuelles. Et il s’avère que dans le scénario où l’on ajoute soudain beaucoup d’eau sur la planète, par exemple à la suite des multiples impacts d’une pluie de météorites, cela ne nous permet pas d’aboutir à la composition de l’atmosphère actuelle de Vénus. Celle-ci devrait sinon être beaucoup plus riche en eau et en oxygène », indique-t-il.

« Par conséquent, nous pensons que les météorites qui se sont écrasées sur Vénus étaient principalement des chondrites sèches. Ce qui signifie également que l’eau présente sur la planète a dû être apportée dès la formation même de la planète. »

L’eau était présente dès la formation de la planète

« Tout ceci nous montre que c’est finalement lors de la formation des planètes que l’eau s’est accumulée. Les bombardements météoritiques ultérieurs n’y ont pas été pour grand-chose. Ils n’ont fait qu’ajouter une toute petite quantité d’eau, qui a été perdue par la suite dans l’histoire de la planète », dit le chercheur.

Mais pourquoi l’eau a-t-elle subsisté à la surface de la Terre, et non sur Vénus?  « Ce qui maintient l’eau à la surface de la Terre résulte d’un ensemble de paramètres qu’on ne retrouve que sur notre planète », rappelle le scientifique de l’ ULB.

« Tout d’abord, notre planète est suffisamment massive pour limiter l’évasion de l’eau. C’est une question de gravité. L’eau est trop lourde pour s’échapper facilement de la Terre. Sur Mars, qui est beaucoup plus petite, la gravité est plus faible. L’eau a donc pu s’en échapper plus facilement ».

En théorie, pour Vénus, la situation devait être identique à la situation terrestre. Mais si l’eau est restée sur la Terre, et non sur Vénus, c’est à cause d’un autre phénomène. « Une partie de l’eau originelle de la Terre est restée sur (dans) la planète, car elle a été constamment « recyclée », mise à l’abri dans la croûte terrestre, via les mouvements engendrés par la tectonique des plaques », dit le chercheur. « Ces conditions de surface présentes sur Terre n’existent pas sur Vénus. L’eau n’a donc pas pu être recyclée et « cachée » à l’intérieur de la planète par les mouvements de sa croûte », explique le Dr Gillmann. C’est ce qui explique que le manteau terrestre est plutôt humide.

Enfin, sur Terre, un autre phénomène de protection de l’eau est également présent. Il se situe dans son atmosphère. On y trouve ce qu’on appelle un piège froid: une zone atmosphérique particulièrement froide qui empêche l’eau de diffuser vers l’espace », conclut Cédric Gillmann.

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