Abeilles, bourdons, papillons, syrphes… Nous savons depuis longtemps que ces pollinisateurs sauvages sont en déclin, et qu’il est urgent d’agir pour les préserver au maximum. Néanmoins, peu d’actions concrètes sont réellement organisées. Et quand c’est le cas, elles le sont rarement à l’échelle transnationale. Or, ces insectes ne connaissent pas de frontières, et plusieurs facteurs de déclin sont globaux.
De là, est né le projet SAPOLL (SAuvons nos POLLinisateurs), soutenu par le fonds européen Interreg. Son but ? Mettre en place des programmes de conservation cohérents sur l’ensemble des territoires belges et du nord de la France.
Les pollinisateurs, des acteurs cruciaux
Ce programme se décline en plusieurs actions tangibles et outils communs, destinés à mieux protéger les pollinisateurs vivant dans nos régions. Pour rappel, ces derniers sont essentiels à la reproduction de la plupart des végétaux à fleurs. Quand ils butinent, ces insectes assurent, en effet, leur fécondation, en transportant des grains de pollen de l’organe mâle (l’étamine) à l’organe femelle (le pistil). Une fois fécondés, les pistils se transforment en fruits, et leurs ovules en graines.
Ce processus est bénéfique pour la biodiversité, puisqu’il assure le brassage génétique : «évitant de cette manière la consanguinité et, à terme, la dégénérescence de ces plantes. Aussi, la survie ou l’évolution de 60 à 80 % des espèces végétales dépendent directement de la pollinisation par les insectes.
France et Belgique, même combat
Le projet SAPOLL, coordonné par l’UMONS, réunit sept partenaires belges et français. À savoir Gembloux Agro-Bio Tech (ULiège), et les associations Natagora et Natuurpunt. Côté français, on trouve le Conservatoire d’Espaces Naturels du Nord et du Pas-de-Calais, le Conseil Départemental du Pas-de-Calais, Eden62, et le Groupe Ornithologique et naturaliste du Nord-Pas-de-Calais.
« Historiquement, nos deux pays disposent d’une certaine expertise dans l’étude des pollinisateurs sauvages. Et le projet SAPOLL a véritablement permis d’unir nos forces », souligne le Pr Pierre Rasmont, chef du service de zoologie à l’UMONS, et responsable du projet.
Le programme de conservation, établi ces quatre dernières années, se veut plutôt ambitieux. L’objectif est d’agir au niveau scientifique, mais aussi à l’échelle des citoyens, et du politique. Aussi, 35 actions, associées à 10 types d’acteurs et à 7 types d’espaces, sont prévues.
Celles-ci visent, dans un premier temps, à améliorer notre compréhension des populations d’abeilles, papillons et syrphes de nos régions. Un savoir qui sera partagé par la suite auprès des acteurs sensibilisés. L’ambition finale est de mener des actions sur le terrain, qui appelleront à des changements de pratiques à large échelle, et à une meilleure gestion des espaces verts.
Plus d’un million de données sur les pollinisateurs transfrontaliers
Plusieurs actions ont d’ores et déjà été entreprises ces deux dernières années. Scientifiquement, les chercheurs ont ainsi pu acquérir de nouvelles connaissances sur les pollinisateurs de la zone transfrontalière.
« Par ce projet, nous avons eu l’occasion de rassembler les données déjà disponibles dans diverses institutions. Mais aussi de réaliser un suivi sur l’ensemble du territoire. Plus de 500 nouveaux sites ont été échantillonnés durant ce projet. Cela a permis de développer une base de données transfrontalière, qui compte à ce jour plus d’un million de données sur ces insectes. Assurément, nous avons acquis de nouvelles connaissances sur les pollinisateurs de la zone transfrontalière », développe le chercheur.
Cette étude a, en outre, amené à la production de plusieurs publications scientifiques, telles que l’« Atlas des bourdons de Belgique et du nord de la France », réalisé par Morgane Folschweiller (UMONS), coordinatrice et responsable scientifique du projet SAPOLL.
Un ouvrage qui réunit « près de 200 ans de données historiques, mais aussi des contributions très récentes issues de collaborations entre scientifiques, entomologistes amateurs ou professionnels d’origines diverses et sciences citoyennes ».
La sensibilisation, un outil indispensable
Du côté du citoyen, le projet a déjà permis de former des centaines de professionnels à mieux identifier les pollinisateurs. Mais aussi de sensibiliser des dizaines de milliers de personnes. Notamment grâce à la diffusion de brochures et autres fiches pratiques. À ce jour, plus de 1.000 familles de la zone transfrontalière ont inscrit leur jardin dans le réseau de refuges pour la protection des pollinisateurs.
« La sensibilisation de la population, y compris des acteurs politiques, reste fondamentale, car le rôle de pollinisateurs, voire l’intérêt de la pollinisation, n’est pas toujours bien saisi », constate le responsable du projet SAPOLL.
« Il est pourtant essentiel que ce processus soit compris afin que tout le monde prenne conscience de son importance, pour l’agriculture et la biodiversité. Et donc de l’importance de sauver les pollinisateurs. Sans eux, notre mode de vie est tout simplement compromis », conclut le Pr Rasmont.