Des matériaux innovants pour capturer le CO2 émis par les industries

8 juillet 2020
par Laetitia Theunis
Temps de lecture : 4 minutes

Développer des nanomatériaux matériaux innovants afin de capturer le CO2 émis par les cheminées industrielles. Et améliorer la phase de désorption du CO2. Voilà l’objectif atteint par l’UMons dans le cadre du projet européen GRAMOFON. Avec son équipe de chercheurs, Guy De Weireld,  Professeur Ordinaire au sein du service de thermodynamique et de physique mathématique, a créé un matériau innovant capable d’adsorber préférentiellement le gaz honni et de se régénérer par un système de chauffage micro-ondes.

Pendant les 42 mois du projet, désormais clôturé, des matériaux innovants et des systèmes post-combustion efficaces de capture du CO2 provenant d’émissions industrielles ont été développés. « Plus précisément, des matériaux tels que des aérogels de graphène modifiés, qui sont d’excellents conducteurs de chaleur et de micro-ondes, et des MOFs (pour Metal-Organic Framework). Ils ont montré des capacités d’adsorption de CO2 très intéressantes et des sélectivités supérieures aux adsorbants traditionnels», explique Pr De Weireld.

Les MOFs, des tamis à molécules

Les MOFs sont des matériaux ressemblant à des éponges. Ils sont remplis de petits canaux. Ceux-ci ont la taille d’une molécule. Donc leur diamètre est inférieur au nanomètre, soit au milliardième de mètre.

« Composés d’une partie organique et d’une partie inorganique, ces matériaux particuliers sont utilisés comme des tamis à molécules. La taille des mailles de ces tamis est établie en fonction de la taille des molécules d’intérêt. Des groupements chimiques placés sur des molécules organiques qui relient les différents pores du tamis permettent d’avoir des interactions plus ou moins fortes. Dans le cadre du projet GRAMOFON, le CO2 est piégé, tandis que les autres composés de l’air passent », explique Pr De Weireld.

Désorber le CO2 grâce aux micro-ondes

Ensuite, pour relarguer le CO2, et donc pour régénérer le matériau, celui-ci est chauffé par des micro-ondes.

« C’est la toute grande originalité du projet. D’habitude, il est d’usage de le chauffer avec un fluide chaud. Mais cette façon de faire est compliquée, longue et énergivore. La caractéristique distinctive nos matériaux est leur capacité à absorber les micro-ondes, ce qui permet de développer un système de chauffage par micro-ondes pour désorber le CO2 capturé qui consomme moins d’énergie que les systèmes traditionnels de régénération. Notre méthode permet donc de diminuer les coûts énergétiques, et surtout de réduire le temps. »

Processus de capture, adsorption et désorption du CO2 mis au point lors du projet GRAMOFON © GRAMOFON

Adsorption/désorption, un processus en continu

Le système développé à l’UMons compte deux colonnes. Alors que la première adsorbe le CO2 grâce à ses matériaux innovants, la seconde le désorbe et se régénère. « Ensuite, on les permute afin de capturer le CO2 en continu. » En fonction de comment il se dégrade, le matériau pourrait fonctionner en continu entre 10 et 15 ans.

Plusieurs voies de conversion du CO2 sont envisageables. Une fois désorbé, le CO2 peut être séquestré dans le sous-sol. Ou être utilisé pour en faire des produits d’intérêt : du méthanol, des polymères. On peut aussi le minéraliser en matériaux pour la construction.

Un brevet en préparation

Une procédure de dépôt de brevet concernant à la fois les matériaux et le système de désorption a notamment été entamée sur base des résultats obtenus par plusieurs partenaires dont l’UMONS.

Ce projet, doté d’un budget de 4,2 millions d’euros, a regroupé 9 partenaires (Entreprises, Centre de Recherche et Universités). Outre l’UMONS, GRAMOFON a impliqué les partenaires suivants : AIMPLAS (Espagne – Coordinateur), CNRS (France), Fraunhofer ICT (Allemagne), Graphenea (Espagne), Process Design Centre (Pays-Bas), e2v (Royaume-Uni), MOF Technologies (Royaume-Uni) et KRICT (Corée du Sud).

Proof-of-concept

Dans le jargon des projets du programme Horizon 2020, GRAMOFON partait d’un TRL 2 et devait arriver à un TRL 4. C’est-à-dire à une technologie validée en laboratoire.

Ce TRL (Technology Readiness Levels), tel que défini par la Commission européenne dans le cadre du programme Horizon 2020, est l’expression du niveau de maturité technologique. Son échelle va de 1 à 9. Soit d’une idée dans la tête d’un chercheur à un procédé commercial.

« S’agissant d’une technologie de rupture, très innovante, seuls des tests à l’échelle du laboratoire, avec quelques centaines de grammes de matériaux, ont été réalisés. On a prouvé que la technologie est potentiellement intéressante pour réduire significativement les émissions de CO2 provenant de sites industriels, que les matériaux fonctionnent. Désormais, il faudrait le tester dans des conditions réelles, et voir si c’est économiquement rentable. Pour passer à cette étape, il faudrait convaincre des industriels et trouver des subsides publics », conclut le Pr De Weireld.

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