Les bosons ont une propension naturelle à se rassembler. En 1987, trois physiciens (Hong, Ou et Mandel) ont démontré ce caractère grégaire via une expérience remarquable. Récemment, des chercheurs du Centre for Quantum Information and Communication de l’ULB ont découvert une autre manifestation de cette tendance au regroupement chez des photons, lesquels font partie des bosons.
Boson ou fermion
Depuis les débuts de la physique quantique, il y a un siècle, on sait que toutes les particules de l’Univers se répartissent entre fermions (particules de spin demi-entier) et bosons (particules de spin entier).
Les protons qui composent les noyaux atomiques sont des fermions, tout comme les électrons et les quarks. Au contraire, on compte parmi les bosons, le photon (qui est une sorte de « grain de lumière ») ainsi que le célèbre boson de Brout-Englert-Higgs qui a valu le Prix Nobel de Physique au Professeur François Englert (ULB) en 2013.
Jamais seuls
Les bosons ont une tendance à se rassembler. Cette particularité est connue sous le nom d’effet Hong-Ou-Mandel. Détaillons l’expérience qui a permis de l’observer.
Au même moment, deux photons identiques sont envoyés l’un sur une face d’une lame semi-réfléchissante (une sorte de miroir sans tain), l’autre sur l’autre face.
Par intuition, imaginons leur comportement : chacun des deux photons pourrait être soit réfléchi sur la surface de la lame semi-réfléchissante, soit transmis à travers elle. Lorsqu’ils sont tous les deux réfléchis, (ou lorsqu’ils ont tous les deux traversés la lame), un résultat de l’expérience devrait dès lors être la détection d’un photon de chaque côté de la lame.
Or, ce résultat n’est jamais observé. En réalité, les deux photons sont à chaque fois détectés ensemble du même côté de la lame. « Tout se passe comme si les deux photons « préféraient » se regrouper », notent les chercheurs.
Cet effet Hong-Ou-Mandel est la conséquence du phénomène d’interférence combiné au fait que les deux photons sont absolument identiques. Comme les deux photons sont impossibles à reconnaître, il est impossible de distinguer la trajectoire prise quand ils auraient été réfléchis par la lame de celle empruntée quand ils auraient tous les deux été transmis au travers de la lame. « Ceci a pour conséquence remarquable que les deux trajectoires s’annihilent ! On n’observe par conséquent jamais un photon de chaque côté de la lame. »
« Cette propriété est insaisissable, car si les photons étaient juste des petites billes minuscules, pareilles en tous points, ces deux trajectoires pourraient parfaitement être observées. Comme c’est souvent le cas, la physique quantique se heurte ici à notre intuition classique », expliquent les chercheurs.
Observation d’un phénomène d’interférence quantique dans le temps
Le Professeur Nicolas Cerf (Ecole Polytechnique de Bruxelles) et le Docteur Michael Jabbour, son ancien doctorant et désormais chercheur postdoctoral à l’Université de Cambridge, ont découvert une autre manifestation de la tendance grégaire des photons.
Au lieu d’une lame semi-réfléchissante, ils ont considéré un amplificateur optique, appelé « composant actif », car il produit de nouveaux photons.
L’interférence sur une lame semi-réfléchissante provient fondamentalement du fait que si l’on échange par la pensée les deux photons entre les deux côtés de la lame, la configuration qui en résulte est exactement identique. Par contre, avec un amplificateur optique, c’est un échange des photons non pas dans l’espace, mais dans le temps qu’il faut examiner.
Quand deux photons sont envoyés dans un amplificateur optique, ils peuvent simplement le traverser sans être affectés. Mais un amplificateur optique peut aussi induire la destruction des photons initiaux suivie de la création d’une paire de photons jumeaux.
En principe, il serait possible de distinguer ces deux possibilités, en identifiant si les photons recueillis à la sortie de l’amplificateur optique sont les photons initiaux ou ceux produits par l’amplificateur.
Cependant, les chercheurs ont remarqué que l’impossibilité fondamentale de distinguer les photons dans le temps (c’est-à-dire l’impossibilité de savoir s’ils ont ou non été remplacés dans l’amplificateur optique) entraîne une annulation complète de la possibilité d’observer la paire de photons à la sortie. C’est donc bien un phénomène d’interférence quantique dans le temps qui a été identifié par les chercheurs.
Il reste à espérer qu’une expérience viendra un jour confirmer cette prédiction fascinante.