L’eau liquide s’est autrefois écoulée à la surface de Mars. En témoignent les nombreux exemples d’anciennes vallées asséchées et de canaux de rivières. L’eau est désormais principalement enfermée dans les calottes glaciaires et emprisonnée sous la surface de la planète rouge. Actuellement, elle continue à s’échapper, sous forme de gaz d’hydrogène et d’oxygène, de son atmosphère ténue. Dans le cadre de la mission ExoMars, le satellite Trace Gas Orbiter de l’ESA-Roscosmos affine notre compréhension de la façon dont Mars a perdu son eau. Le processus est lié aux changements saisonniers.
L’eau, au centre des préoccupations
« La compréhension de l’interaction des réservoirs potentiels d’eau et de leur comportement tant saisonnier qu’à long terme est essentielle pour comprendre l’évolution du climat de Mars. Cela peut être fait par l’étude de la vapeur d’eau et de l’eau “semi-lourde” (où un atome d’hydrogène est remplacé par un atome de deutérium, une forme d’hydrogène avec un neutron supplémentaire). Le rapport deutérium/hydrogène, D/H, nous renseigne sur l’histoire de l’eau sur Mars, et sur l’évolution de la perte d’eau au fil du temps », expliquent les scientifiques de l’IASB (Institut royal d’Aéronomie Spatiale de Belgique), qui ont participé à cette étude internationale.
La magie de la 3D
« Avec le Trace Gas Orbiter, nous pouvons observer le cheminement des isotopologues de l’eau (un isotopologue est une espèce chimique différant d’une autre uniquement par la présence d’un ou plusieurs isotopes, la structure atomique demeurant par ailleurs parfaitement identique, NDLR) lorsqu’ils montent dans l’atmosphère avec un niveau de détail impossible auparavant. Les mesures précédentes ne fournissaient qu’une moyenne de la profondeur de l’atmosphère entière », explique Ann Carine Vandaele de l’IASB.
« C’est comme si avant nous n’avions qu’une vue en 2D en l’atmosphère de Mars; et que maintenant, nous pouvions l’explorer en 3D », poursuit l’investigatrice principale de l’instrument Nadir and Occultation for MArs Discovery (NOMAD) qui a été utilisé pour cette étude.
Un processus qui s’accélère
Les nouvelles mesures révèlent une variabilité spectaculaire du rapport deutérium sur hydrogène (D/H) en fonction de l’altitude et de la saison. Et ce, à mesure que l’eau s’élève par rapport à son emplacement d’origine.
« Une fois que l’eau est complètement vaporisée, elle présente un grand enrichissement en eau semi-lourde, correspondant à un rapport D/H six fois supérieur à celui de la Terre, confirmant que de grandes quantités d’eau ont été perdues au fil du temps. »
Les données ExoMars recueillies entre avril 2018 et avril 2019 ont également montré trois cas d’accélération de la perte d’eau dans l’atmosphère : lors de la tempête de poussière globale de 2018, lors d’une tempête régionale courte mais intense en janvier 2019, et lors de la libération d’eau de la calotte polaire sud pendant les mois d’été liée au changement de saison.
La chaleur, un élément déterminant
« Il convient de noter en particulier un panache de vapeur d’eau ascendante pendant l’été austral qui pourrait injecter de l’eau dans la haute atmosphère sur une base saisonnière et annuelle », précisent les scientifiques. Le changement des saisons sur Mars, et en particulier l’été relativement chaud dans l’hémisphère sud, semble être le moteur de la perte accrue d’eau dans l’atmosphère martienne.
Les futures observations coordonnées avec d’autres engins spatiaux, notamment le satellite MAVEN de la NASA qui se concentre sur la haute atmosphère, fourniront des informations complémentaires sur l’évolution de l’eau au cours de l’année martienne.
La compréhension de l’inventaire passé et présent de l’eau sur Mars pourrait permettre de déterminer si la planète a été habitable. Et si des réservoirs d’eau peuvent être accessibles pour une future exploration humaine.