Chantier-école de fouilles au château féodal de Moha © Laetitia Theunis

Au château féodal de Moha, le chantier-école remonte le temps

30 juillet 2021
par Laetitia Theunis
Temps de lecture : 5 minutes

Point de pelleteuse à l’horizon. Ici, chacune des étapes de fouilles se fait à la main. Dans la partie supérieure du château féodal de Moha, une petite dizaine de jeunes gens, tous étudiants en Histoire de l’Art et Archéologie à l’Université de Namur, s’affairent les mains dans la terre. Durant deux semaines, de 8h15 à 16h, ils apprennent les rudiments du métier d’archéologue. Les gestes techniques, mais aussi le travail en équipe.

Une première expérience

Ce chantier-école est une première. Il a été mis sur pied par Pre Fanny Martin, archéologue qui, depuis janvier 2021, est chargée de cours en archéologie nationale, à l’Université de Namur. Cette mise en pratique s’inscrit dans le cadre du cours ‘Méthodes de fouilles et gestion de chantiers archéologiques’.

« Pour ces étudiants en 2e ou 3e année bac, il s’agit d’une première expérience de fouilles. Certains vont être mordus, d’autres s’en détourneront. De quoi les conforter leur choix ou leur permettre de se réorienter », indique-t-elle.

Photographie aérienne (par drone) du chantier de fouilles © Laetitia Theunis

Un rare site de fouilles programmées

Jusqu’alors, les étudiants devaient se débrouiller par eux-mêmes pour trouver un chantier de fouilles afin de vivre une première expérience. Ce n’était pas une sinécure. En effet, en Wallonie, l’essentiel des fouilles sont dites préventives. C’est-à-dire qu’elles ont lieu avant l’excavation d’un terrain en vue de la construction d’un parking, d’une école, d’un magasin, d’un hangar, etc. Dans ce genre de chantier, sous la pression notamment de promoteurs immobiliers, les archéologues sont mis sous pression pour travailler vite. Dans ces conditions, pas le temps – ni l’argent – d’encadrer correctement un étudiant.

Par contre, « au château de Moha, sur base de notre précédent rapport, nous avons reçu l’aval de la Commission royale des monuments, sites et fouilles et de l’Awap (Agence wallonne du patrimoine) pour 3 ans de fouilles programmées. Ici, on fouille en prenant notre temps, on enregistre toutes les données et les étudiants apprennent le métier », explique Dr Julien Adam, archéologue au château de Moha.

Dessin datant du 18e siècle, montrant la chapelle castrale au centre des ruines du château de Moha, avant d’être démantelée en 1825 © Laetitia Theunis

Déterminer le phasage du château

Outre la formation des étudiants, le partenariat avec l’Université de Namur est intéressant, car il permet aussi d’engranger plus d’informations sur le château de Moha, « dont les premières traces, textuelles et archéologiques, datent du tout début du 11e siècle. Il se développe ensuite pendant 4 siècles, jusqu’en 1376, quand il sera détruit par les Hutois, alors qu’il était la possession du Prince-évêque de Liège », poursuit-il.

« Depuis 2 ans, nos fouilles visent à reconstituer le phasage de l’édification du château. On sait qu’il s’est développé depuis le point le plus haut de l’éperon rocheux, et qu’au fur et à mesure, se sont déployées les fortifications, mais ce phasage n’est pas très précis. »

Pour affiner les données déjà collectées, le chantier-école s’est consacré à chapelle castrale. « On ignorait son emplacement exact. Le but de la fouille était de la localiser. Et de mettre au jour d’éventuelles structures. Cette chapelle a survécu à la destruction du château en 1376. Elle fut occupée par des jésuites, puis rachetée par un privé qui l’a démantelé vers 1825. »

Sous les pelles américaines et les truelles des étudiants, se dévoilent les fondations de la chapelle, son abside se dessine. Alentour, le rocher affleure. Il a été écrêté par endroits et comblé par du remblai pour réaliser une zone plane en vue, jadis, d’ériger l’édifice.

Chantier-école de fouilles au château féodal de Moha © Laetitia Theunis

Datation par tessons

C’est dans ce remblai que se logent de précieuses informations de datation. En effet, à l’époque médiévale, l’usage de céramique était courant. En ces temps anciens, point de standardisation. Chaque centre de production laissait sa patte sur les poteries, et celle-ci évoluait au fil du temps. Leurs spécificités ont fait l’objet de nombreuses études. De telle sorte que « des référentiels typologiques de céramique nous aident à dater leur production. Et ce, au demi-siècle près », explique Pre Fanny Martin.

Les quelques tessons retrouvés par les étudiants sur le site de fouille portent ainsi des données temporelles. Cette céramique provient d’Andenne où il y eut une grande production du 11 au 14e siècle. Les matériaux prélevés, mis en sachets avec le numéro de la couche stratigraphique dans laquelle ils ont été trouvés, doivent encore être nettoyés, triés, comptés et analysés. « A partir de là, on pourra donner une date de construction de l’édifice. Et, par extension, en savoir davantage sur le phasage de la construction du château », indique Dr Julien Adam. Affaire à suivre.

Les étudiants apprennent à réaliser des levés topographiques à l’aide de la station totale © Laetitia Theunis
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