La sonde STREAM utilisée dans des eaux souterraines © TRAQUA / UNamur

Un système de surveillance hydrogéologique développé par une nouvelle spin-off de l’UNamur

10 août 2021
par Laetitia Theunis
Temps de lecture : 4 minutes

Où s’en va l’eau des rivières quand elle disparaît sous terre ? Cette question tenaillait Dr Amaël Poulain, géologue de l’UNamur, à un point tel qu’il lui a consacré son sujet de thèse. Durant ses années de doctorat, de 2013 à 2017, et afin d’améliorer sa collecte de données, il a développé un prototype de sonde submersible. Dénommée STREAM, elle a été améliorée par la suite, et est aujourd’hui le produit phare de TRAQUA, une spin-off dont l’UNamur vient de célébrer la naissance.

L’invention doctorale

Jusqu’alors, la compréhension de la dynamique des eaux souterraines nécessitait l’injection d’un colorant là où elle plongeait dans la Terre. Puis de mesurer sa concentration et le temps écoulé jusqu’à sa réapparition à son point de sortie. Autant dire que si le parcours sous-terrain était long, la patience était de mise.

Le chercheur va révolutionner la surveillance hydrogéologique durant son doctorat financé par le FNRS, et réalisé à l’Université de Namur en partenariat avec l’UMons et l’Observatoire Royal de Belgique. Son travail de recherche visait « à améliorer la compréhension des aquifères karstiques via des méthodes hydrogéologiques et géophysiques ». Pour le mener à bien, Dr Amaël Poulain a troqué le modus operandi classique contre un système innovant exploitant un fluorimètre. Cet instrument est capable de mesurer, sans équipement de laboratoire, un traceur fluorescent, versé en amont à de très faibles concentrations et invisible à l’œil nu.

Celui-ci lui a, notamment, permis de révéler l’existence de deux bras souterrains de la Lomme, au sein de la grotte de Lorette (Rochefort). Toutefois, ce prototype était loin d’être parfait : il péchait par son poids – 13 kilos – et son encombrement.

Rivière rentrant dans la terre à Han-sur-Lesse © Philippe Crochet – Photographe de la spéléologie et du monde minéral

Une sonde tout-terrain

Une fois sa thèse sous le bras, et conscient du potentiel de son invention, le géologue l’a ensuite affinée grâce à un financement First Spin-Off de la Région wallonne, avant de la commercialiser.

La nouvelle version de STREAM est une sonde submersible compacte (un cylindre de 6 cm de diamètre et 23 de longueur), légère (1,25 kilo) et autonome : plus de 30.000 mesures grâce à une batterie Li-ion de 3,6V. Cela correspond à 20 jours de mesures à raison d’une mesure par minutes. Ou à 7 mois de mesures, avec une mesure toutes les 10 minutes.

La sonde peut être immergée en rivière, dans un puits, dans une source ou encore au cœur de canalisations. « De plus, il est possible de la déployer en plusieurs exemplaires sur un même site, à des endroits où on suppose qu’il y a une connexion hydrogéologique avec l’endroit où le liquide fluorescent (fluorescéine, sulforhodamine B ou amino-g), sans danger pour la nature, a été versé. » Et ce, de sorte à amplifier la récolte de données, « permettant une surveillance exhaustive à haute résolution temporelle et spatiale sur un site d’étude. »

Sonde STREAM © TRAQUA / UNamur

Un outil de gestion

Précieuse pour la recherche académique et la gestion des nappes phréatiques et autres rivières, via l’analyse in situ de la turbidité, de la température et de la concentration en traceur fluorescent, mais aussi en matière organique dissoute (chlorophylle, cyanobactéries) ou encore hydrocarbures, la sonde peut aussi être utile à la gestion des eaux publiques.

En effet, en mesurant la vitesse d’écoulement de l’eau dans une canalisation, celle-ci peut apporter son aide dans la détection d’une fuite. Et si elles sont plusieurs ? La méthode permet d’identifier les fuites les plus critiques, et d’ainsi prioriser les travaux de réparation.

 

Versement du colorant fluorescent dans un puits © TRAQUA / UNamur

Par ailleurs, les épisodes de fortes pluies et d’inondations mettent en exergue le problème d’érosion des terres arables. « Celui-ci entraîne de très nombreux désagréments : coulées de boues impactant les zones adjacentes et les riverains, pertes de rendement pour l’agriculteur, polémiques sur les mesures à prendre. Des solutions existent et sont régulièrement évoquées : création de zones tampons, bandes enherbées, haies, fossés de drainages… Même si ces solutions sont évidentes, elles ne peuvent pas toutes être mises en œuvre en tout lieu », explique Dr Amaël Poulain dans un communiqué.

« Afin de prioriser la mise en œuvre de ce type de solutions, une analyse des risques peut se révéler utile. La sonde STREAM permet de mesurer automatiquement la turbidité et la matière en suspension liée à une telle érosion, dans les rivières adjacentes. La mise en place d’un réseau de surveillance à l’échelle d’un territoire donné, pendant une période définie, permettra de déterminer les zones à risques et d’y concentrer les efforts de gestion de manière raisonnée. »

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