Connu en Belgique sous le nom de « Mammotest », ce programme de dépistage du cancer du sein invite toutes les femmes de 50 à 69 ans à réaliser une radiographie des seins (mammographie) gratuite, tous les deux ans. Le but : détecter le plus tôt possible l’apparition d’un cancer afin de le traiter rapidement et, ainsi, de sauver des vies.
Néanmoins, même si ce système a prouvé son efficacité, il ne tient pas en compte des facteurs de risque individuels. Or, il pourrait être utile de prescrire un dépistage plus fréquent aux femmes à haut risque de développer un cancer du sein. Inversement, diminuer la fréquence de dépistage profiterait à celles présentant un faible risque.
Dès lors, ne serait-il pas préférable de personnaliser la méthode au regard du risque individuel ? C’est ce que va tenter de déterminer le projet européen My PeBS (My Personal Breast Cancer Screening), réunissant 27 partenaires internationaux, dont 10 centres hospitaliers belges soutenus par la Fondation contre le Cancer.
Antécédents, densité des seins et génétique
L’objectif du projet sera d’évaluer, via une étude clinique sur 85.000 femmes de 40 à 70 ans, les bénéfices d’un point de vue médical, mais aussi psychologique et financier, d’un dépistage personnalisé, par rapport au programme de dépistage actuel.
Pour le déterminer, l’étude comparera, durant quatre ans, le suivi de deux groupes de participantes. Le premier proposera le dépistage standard actuel (une mammographie tous les deux ans). Quand le second préconisera une stratégie personnalisée, basée sur le risque des candidates de développer un cancer du sein dans les 5 ans.
Celui-ci sera mesuré par l’analyse des antécédents personnels (cas de cancer ou de biopsies suspectes) et familiaux (cas de cancer au 1er et 2e degrés), la densité mammaire (des seins denses sont composés de davantage de tissu glandulaire et de tissu fibreux que de tissu graisseux), et le paysage génétique.
« Grâce aux techniques de séquençage ADN, un simple test salivaire permet de réaliser un screening génétique, et ainsi d’identifier la présence, ou non, d’un ou plusieurs polymorphismes génétiques », explique le Dr Jean-Benoît Burrion, chef de la clinique de prévention et dépistage à l’Institut Jules Bordet et coordinateur du projet My PeBS pour la Belgique.
« Pour rappel, notre ADN se compose de plusieurs milliards de nucléotides, et 4 à 5 millions d’entre eux varient d’une personne à l’autre. C’est ce qu’on appelle des polymorphismes génétiques. Dans le cas du cancer du sein, plusieurs centaines de polymorphismes sont associés à un petit risque supplémentaire de développer la maladie. Plus on en présente, plus le risque augmente. »
Une fréquence de dépistage revue
En combinant ces différents facteurs de risque (antécédents, densité du sein, risques polygéniques), les scientifiques établiront « un score de risque global » pour chaque participante.
« Si ce risque est inférieur à 1 %, un dépistage tous les quatre ans sera recommandé à la candidate. Si le risque se situe entre 1 et 1.66%, le risque est considéré comme moyen et un dépistage tous les deux ans continuera à être proposé. Pour un risque compris entre 1.66% et 6%, on parle de risque élevé. Dans ce cas, la participante sera invitée à réaliser un examen annuel. Enfin, pour un risque très élevé (supérieur à 6%), une mammographie et une IRM seront préconisées, en alternance, tous les 6 mois », informe le Dr Burrion.
À noter qu’en cas de sein dense, une échographie tous les deux ans sera demandée. Et ce, quel que soit le pourcentage de risque.
Le dépistage personnalisé, la solution aux problèmes de la méthode actuelle ?
« Nous supposons qu’en proposant un dépistage plus fréquent aux femmes présentant des risques élevés, on diminuera le taux de cancer d’intervalle. C’est-à-dire de cancers diagnostiqués entre deux dépistages. Cela devrait permettre de faire chuter le nombre de cancers à un stade avancé. »
« En parallèle, en diminuant la fréquence de dépistage pour les femmes à faible risque, on limitera les problèmes de faux positifs (des anomalies détectées qui se révèlent finalement bénignes) et de surdiagnostics (le dépistage d’un cancer qui n’aurait causé ni symptôme ni décès) », note le responsable belge du projet.
À côté de l’intérêt médical, l’étude évaluera aussi si les coûts d’une telle stratégie de dépistage sont justifiés, au regard des résultats cliniques obtenus. Par ailleurs, les chercheurs mesureront l’impact psychologique de ce système. « L’annonce d’un niveau de risque peut, en effet, générer de l’inquiétude chez certaines femmes. Il faut donc aussi faire attention à cet aspect-là ».
N.B.: Vous désirez participer à l’étude clinique? Voici la liste de centres participants : Institut Jules Bordet (Bruxelles), CHU St Pierre (Bruxelles), CHU Brugmann (Laeken), Hôpitaux Iris Sud – Site Ixelles (Ixelles), UZ Brussel (Jette), CHIREC DELTA (Auderghem), Cliniques Universitaires St Luc (Woluwe Saint Lambert), UZ Leuven (Leuven), Centre de Sénologie Drs Crevecoeur (Liège), Centre Hospitalier de Wallonie Picarde (Tournai)