Champ d'essai à Ottignies © UCLouvain

Modifier le paysage agricole pour mieux lutter contre l’érosion des sols

28 décembre 2021
par Camille Stassart
Temps de lecture : 4 minutes

L’érosion hydrique des sols, c’est-à-dire le détachement et le transport de la terre arable sous l’effet de la pluie et des eaux de ruissellement, est devenue un problème récurrent sur notre territoire. Elle affecte, entre autres, la qualité des milieux aquatiques, augmente le risque de débordement des cours d’eau, et provoque des coulées de boue. En Wallonie, le phénomène impacte surtout les terrains agricoles, avec pour conséquence un appauvrissement des sols cultivables. Au travers du projet Intell’eau, des scientifiques de l’UCLouvain, de Gembloux Agro-Bio Tech (ULiège), du Centre wallon de recherche agronomique (CRA-W), et du Centre indépendant de promotion fourragère (CIPF) cherchent à mesurer l’efficacité de différentes techniques de conservation des sols permettant de réduire ce problème.

Les terres des grandes cultures davantage en péril

Les surfaces cultivées wallonnes sont plus sensibles à l’érosion en raison, notamment, de la nature de leurs sols. De fait, les terres les plus exploitées sont les sols limoneux à sablo-limoneux, plus fertiles et faciles à travailler que les autres. Ils sont néanmoins aussi très sensibles à l’action de fortes pluies, qui diminue leur perméabilité, et présentent une faible cohésion des terres.

« Le type de culture joue aussi un rôle dans le phénomène. Celles de betteraves, de pommes de terre et de maïs, très présentes au nord de la région wallonne, sont semées au printemps. Or, c’est la saison où l’on observe des pluies intenses liées aux orages. Et comme ces cultures sont disposées en lignes assez espacées, laissant des bandes de terre nue, sans végétation pour absorber l’eau et freiner le ruissellement, ces pluies provoquent facilement de l’érosion et des coulées boueuses », explique le Pr Charles Bielders, chercheur à l’UCLouvain.

Principaux types de sols en Wallonie Principaux types de sols en Wallonie © SPW

Miser sur les solutions les plus efficaces

En vue de limiter ce problème, la Wallonie a créé, il y a 10 ans, la cellule GISER (Gestion Intégrée Sol Erosion Ruissellement), en partenariat avec l’UCLouvain et Gembloux Agro-Bio Tech.

« La cellule épaule les communes dans leur démarche de gestion et de prévention des risques d’inondations dues aux ruissellements et coulées de boue des terres agricoles. Cela passe par la réalisation d’analyses de bassins-versants, et la proposition de dispositifs d’aménagements», indique la Pre Aurore Degré, chercheuse à Gembloux Agro-Bio Tech (ULiège), et coordinatrice de l’étude. « Néanmoins, nous avons actuellement peu de chiffres attestant l’efficacité de ces dispositifs, et pas d’outil de quantification dans le plan d’aménagement global des bassins-versants ».

De ce constat, est né le projet Intell’eau. L’étude, soutenue par le SPW agriculture, vise à analyser plusieurs solutions existantes, mais aussi novatrices, et à déterminer leur efficience. « Le CIPF nous aide dans la réalisation pratique des essais afin qu’ils soient les plus réalistes possibles », précise la Pre Degré.

Simulateur de ruissellement dans les parcelles étudiant les barrières végétales © Uliège GxABT

Techniques culturales et barrières végétales à l’essai

« A l’UCLouvain, on s’intéresse notamment à deux méthodes culturales pour le maïs : la technique du sous-semis, consistant à semer entre deux rangées un couvert de trèfles ou de fétuques, qui va permettre de protéger le sol et d’améliorer sa qualité ; et la technique du ‘strip-till’ qui vise à ne travailler que sur la bande semée, au lieu de labourer toute la parcelle », développe le Pr Bielders. « Pour la culture de pommes de terre, on analyse l’intérêt d’autres techniques, comme le pré-buttage en automne plutôt qu’au printemps », ajoute-t-il.

Quant aux chercheurs gembloutois, ils testent différentes barrières végétales au pied des parcelles. « On réalise actuellement des essais sur des bandes de saules ou de miscanthus. L’idée étant de freiner le ruissellement et d’améliorer l’absorption de l’eau dans les sols. On vise des barrières productives, au travers desquelles l’agriculteur pourra en tirer un revenu », explique la Pre Degrée.

Miscanthus

Un outil de gestion pour les cultivateurs en développement

Pour déterminer l’efficacité des méthodes, les scientifiques du projet collectent l’eau en bas des parcelles à l’aide de grands bacs, mesurant ainsi les volumes de liquide ayant ruisselé. « Ils nous servent aussi à prendre des échantillons pour évaluer les quantités de terre et de pesticides transportées par le ruissellement. Des polluants qui sont analysés par le CRA-W », précise le Pr Bielders.

Sur bases des techniques évaluées, les scientifiques développeront, à terme, un outil numérique d’aide à la décision destiné aux agriculteurs et aux conseillers agricoles. « Il prendra vraisemblablement la forme d’un outil cartographique où l’utilisateur pourra placer sur son terrain les solutions possibles, et ainsi prédire la ou les stratégies les plus efficaces en fonction de sa pratique », conclut Aurore Degré.

Barrière végétale en bout de parcelle © CIPF
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