Le neuroscientifique Stanislas Dehaene met la lectrice ou le lecteur «Face à face avec son cerveau» dans son dernier livre richement illustré. Édité par Odile Jacob.
Nous sommes notre cerveau
«Regarder notre cerveau en face exige lucidité et courage», pense le membre de l’Académie française des sciences et de l’Académie royale de Belgique. «Nous sommes peu de choses, juste le motif électrique d’un mince tissu de neurones. Et notre esprit disparaîtra avec notre cerveau.»
«Mais je me réjouis de penser que notre avenir repose dans notre capacité de nous comprendre et de nous améliorer. C’est pourquoi les avancées des neurotechnologies ne me font pas peur.»
L’évolution des outils joue un rôle central
Le professeur au Collège de France précise qu’«il faudra attendre le XIXe siècle, celui des lésions, et le XXe siècle, celui de l’imagerie cérébrale, pour que l’on prenne pleine conscience qu’à toutes les échelles, depuis la molécule jusqu’à la synapse (la région qui permet le passage des informations), au neurone, au circuit et aux circonvolutions du cortex, les structures du cerveau ne servent qu’à une seule chose: penser.»
«Dans notre conquête du cerveau, l’évolution des outils a joué un rôle central. Depuis le bistouri du chirurgien jusqu’à la caméra à positons et à l’imagerie par résonance magnétique (IRM). Chaque nouvelle image du cerveau nous invite à repenser les liens entre notre corps et notre esprit.»
Fondée sur une découverte du Français Albert Fert, Nobel de physique 2007, l’IRM dernier cri, approuvée par l’Agence fédérale étatsunienne des produits alimentaires et médicamenteux (FDA), mesure avec précision des champs magnétiques ultras faibles. Monté sur roulettes, branché sur une prise électrique normale, l’appareil détecte les accidents vasculaires, leur nature et leur localisation.
«Contrairement à une IRM classique, rien n’empêche de laisser la machine au chevet du patient pour répéter l’examen plusieurs fois par jour afin d’évaluer l’évolution de la maladie», explique Stanislas Dehaene qui mène des recherches en neurosciences pour élucider l’accès d’informations à la conscience. L’organisation et les bases cérébrales de fonctions cognitives comme le langage, la lecture, le calcul mental.
«Lorsque nous apprenons une compétence nouvelle, comme la lecture ou l’algèbre, nous tirons parti d’un circuit neuronal ancien qui a évolué pour un tout autre usage.»
Guérir les troubles émotionnels
Chez la même éditrice, Bruno Millet-Ilharreguy explore «Les désordres du cerveau émotionnel». Les maladies psychiques s’accompagnent presque toujours de troubles émotionnels.
Le professeur de psychiatrie à la Sorbonne Université part de cas rencontrés. Gilles et Jean, survivants du Bataclan. Caroline, asservie à l’alcool. Jérôme, prisonnier de pensées pédophiles. Madeleine, atteinte d’une démence de type Alzheimer. Kamel, sujet au trouble obsessionnel compulsif (TOC). Stéphane, confronté au stress. Florence, qui suit un traitement par stimulation électrique transcrânienne à courant direct (tDCS) pour soigner sa dépression…
Des traitements innovants
«Des évaluations de la tDCS sont en cours dans les troubles anxieux, les TOC et les états de stress post-traumatiques», signale le coordinateur de l’unité qui teste les nouvelles approches technologiques en psychiatrie à l’Institut français du cerveau (ICM). «Des études sont également en cours dans l’indication de douleurs chroniques.»
«La tDCS fait l’objet de travaux passionnants visant à évaluer son efficacité dans deux symptômes clés de la schizophrénie: les symptômes hallucinatoires auditifs et la perte de motivation.»
Cette technique pourrait améliorer les capacités de calcul ou la mémorisation de plusieurs informations à la fois.
Des dispositifs portables pesant moins d’un kilo sont mis au point. «Il apparaît que, quelle que soit la nature du courant, continu ou alternatif, ces techniques sont indolores et ne présentent aucun effet secondaire.»
Selon Bruno Millet-Ilharreguy, la réalité virtuelle est probablement l’outil qui va le plus révolutionner l’approche psychothérapeutique. Ses casques immergent le patient dans un univers fictif. De nombreux programmes scientifiques construisent des stimulations où la personne souffrant de phobies se confronte à un environnement virtuel qui reproduit la situation redoutée.