Les grottes de Goyet, site préhistorique belge célèbre dans le monde entier, rouvrent leurs portes après 3 ans de travaux. Les salles sont sublimées par un tout nouvel éclairage séquentiel, guidant le regard des visiteurs au gré des riches explications préhistoriques et géologiques de leur guide archéologue. « La visite se veut interactive, dotée d’un tout nouveau concept multimédia, en petit groupe de 30 personnes, s’inscrivant toute entière dans le tourisme culturel et scientifique durable », résume Fernand Collin, directeur du Préhistomuseum, qui est désormais l’exploitant des Grottes de Goyet, lesquelles sont la propriété de la commune de Gesves (Province de Namur).
L’acidité de l’eau creuse le calcaire
Il y a 350 millions d’années, la région de Goyet est sous eau. La mer d’alors héberge des animaux marins qui, à leur mort, coulent sur son fond. Et constituent des boues calcaires qui s’empilent les unes sur les autres. Après s’être solidifiée, cette structure se plisse sous la pression de l’écorce terrestre. C’est ainsi que se crée la vallée du Strouvia (Gesves).
Initialement horizontales, les strates de calcaire se tordent et se retrouvent percées de failles verticales. Des blocs en tombent, créant des vides dans lesquels l’eau du Strouvia s’engouffre. Celle-ci va progressivement creuser le calcaire, le dissoudre grâce à son acidité et créer des vides, qui deviendront peu à peu des cavernes.
Arrive ensuite une phase de cristallisation. C’est-à-dire la formation par concrétion des stalactites et des stalagmites. L’eau chargée des acides de la terre percole dans le réseau de fissures jusqu’à ce qu’elle rencontre un relief propice, par exemple une aspérité dans une voûte d’une grotte souterraine, qui lui permet de tomber goutte à goutte. En entrant au contact de l’atmosphère de la cavité sous-saturée en CO2, la solution se dégaze progressivement : le CO2 s’échappe et le carbonate de calcium précédemment dissous se cristallise. Une stalactite, toujours creuse, se forme alors. Juste en dessous d’elle, sur le sol, se crée une stalagmite, quant à elle toujours pleine. Elle résulte de la concrétion des gouttes d’eau excédentaires.
N’allez pas croire que ces réactions appartiennent au passé. Elles continuent à avoir cours à l’heure actuelle. «Dans la partie inférieure des Grottes de Goyet, sous nos pieds, le Strouvia est toujours en train de creuser une partie de la cavité », précise Fernand Collin.
La Préhistoire, éclairée par le multimédia
Pour illustrer l’historique géologique du lieu, le guide se sert de la lanterne magique qu’il porte en bandoulière. « Il s’agit d’un clin d’œil à la lanterne magique du 17e siècle, l’ancêtre des appareils de projection et particulièrement du projecteur de diapositives. »
Dans sa version moderne, elle composée d’un smartphone posé sur un support particulier. L’ensemble projette des animations sur les parois. Il s’agit d’un prototype développé par Thomas Baltus dans le cadre de son stage en 1ère année de master en communication visuelle graphique, avec comme spécialisation le design social et l’art numérique (Saint-Luc à Liège).
« Ce prototype va continuer à être développé. Il s’agit d’un intéressant concept de médiation scientifique applicable à d’autres lieux », souligne Fernand Collin. Composé comme un musée virtuel et portatif, il permet de créer des visites guidées sur-mesure. En effet, en fonction des questions et de l’intérêt des visiteurs, le guide archéologue projette des lignes du temps, des représentations animales ou encore des images de quelques-uns des nombreux et précieux objets préhistoriques trouvés dans les Grottes de Goyet, lesquels sont conservés dans des conditions optimales à l’Institut Royal des Sciences Naturelles de Belgique et à l’ULiège. La lanterne magique permet aussi d’écouter des bandes sonores, comme ce son émanant d’une flûte préhistorique en os d’oiseaux découverte à Goyet.
Historique des migrations
Si le site de Goyet est célèbre dans le monde entier, c’est parce qu’on y a identifié un des premiers exemples de domestication d’un loup et révélé des traces attestant du cannibalisme chez l’Homme de Néandertal. Mais aussi, car en creusant la terre, les archéologues ont découvert des traces de toutes les civilisations paléolithiques de nos régions.
Cette richesse permet, notamment, et grâce à l’étude génétique des différents restes d’Hommes modernes préhistoriques, de retracer l’histoire des migrations. Quelque 34.000 ans avant notre ère, la première vague d’Homo Sapiens, appelée la civilisation aurignacienne, est venue directement d’Afrique. Ensuite, vers – 26.000 ans, alors que la glaciation devenait de plus en plus forte, avec des glaciers qui s’étendaient jusqu’à l’actuel Rotterdam, ces populations ont quitté la région et ont migré dans le sud de l’Europe. En -14.000 ans, avec le réchauffement du climat et le retrait des glaciers, a déferlé la deuxième vague de migration, appelée civilisation magdalénienne. Ces Homo Sapiens venaient de l’est de l’Europe. Ce sont eux qui ont repeuplé nos régions désertées pendant plusieurs millénaires.
« Selon des études génétiques, nous, Européens, sommes directement descendants de cette deuxième phase migratoire. Puis, vers 7000 ans, arrivent dans nos régions l’agriculture et l’élevage. Ces changements néolithiques proviennent des pourtours de la Méditerranée et des Balkans. Personne n’est donc européen d’origine », explique Fernand Collin.
« La Préhistoire nous donne un recul par rapport aux questions de migration. Elle nous permet de nuancer notre relation aux autres, dans le temps et dans l’espace. »