La conscience jouerait un rôle fondamental dans l’existence

20 juin 2022
par Camille Stassart
Temps de lecture : 4 minutes

« Agir en toute conscience », « prendre conscience de quelque chose », « avoir la conscience tranquille » … Si nous connaissons et comprenons tous ces expressions, il reste difficile d’expliquer ce que signifie la  conscience. Selon Axel Cleeremans, directeur de recherches au FNRS et professeur en psychologie à l’ULB, « c’est un phénomène complexe qui implique de nombreuses facultés cognitives. Mais la communauté scientifique s’accorde pour dire que, ce qu’on appelle la conscience “phénoménale”, se définit comme l’expérience personnelle que nous faisons de nous-mêmes, du monde et des autres ». Et d’ajouter : « La conscience, c’est l’effet que ça nous fait d’être nous. »

Les expériences de manger une banane, d’écouter de la musique, d’avoir froid, ou encore de se sentir joyeux, ont un « effet que ça fait », ou un « caractère phénoménal », particulier. Durant les cinq années à venir, le Pr Cleeremans et son équipe tenteront de déterminer à quoi nous sert cette conscience. Un projet qui se réalisera avec le soutien du Conseil Européen de la Recherche (ERC).

Les mécanismes biologiques derrière la conscience

Directeur du centre de recherche en Cognition et Neurosciences de l’ULB, Axel Cleeremans s’intéresse à la problématique de la conscience depuis de nombreuses années.

Dans un précédent projet, également financé par une bourse ERC, le chercheur s’est penché sur la façon dont notre cerveau produit la conscience. L’objectif était de développer une théorie de la conscience, soutenue par une vingtaine d’expériences comportementales.

« Certaines portaient sur la métacognition, c’est-à-dire la capacité que l’on a à évaluer sa propre performance. Ce qui présuppose une forme de conscience, d’accès à nos propres représentations mentales. D’autres expériences visaient à explorer la frontière entre ce qu’on peut faire avec et sans conscience. D’autres, encore, ont étudié la manière dont la conscience change au cours d’un apprentissage long (un mois) », énumère le chercheur.

Un processus en deux temps

D’après les résultats de ces études, la conscience trouverait son origine dans « l’interaction entre le lobe frontal et le cortex postérieur », indique le Pr Cleeremans. Pour rappel, le cortex postérieur est la plus ancienne structure du cerveau. C’est notamment le lieu où transite des informations sensorielles (sensation, goût, audition, etc.). La partie frontale du cortex cérébral représente, quant à elle, le centre de contrôle du cerveau. Elle est chargée, entre autres, du raisonnement.

Plus particulièrement, la conscience naîtrait de l’interaction entre « des systèmes de méta-représentations, c’est-à-dire des représentations à propos d’autres représentations, et de représentations de premiers ordres. »

« Si je perçois une tasse de thé sur mon bureau, cela va susciter une représentation de premier ordre dans mon cortex postérieur, mais cette représentation ne se fera pas de façon consciente. Elle ne le deviendra qu’à partir du moment où une autre représentation, née quelque part dans mon lobe frontal, m’indiquera, à moi personnellement, l’existence de cette première représentation. A savoir qu’il y a une tasse de thé posée devant moi sur mon bureau », développe le chercheur.

Quelle est l’utilité de la conscience ?

Dans la continuité de ce projet, la nouvelle étude cherchera à répondre à une interrogation encore plus ardue : A quoi sert la conscience ? Quel est son rôle chez l’humain ?

« Cette problématique a encore été peu explorée. Certains auteurs disent que la conscience ne sert à rien et qu’elle n’offre aucun avantage fonctionnel. De mon côté, je fais l’hypothèse que la conscience aurait bien une fonction : celle d’attribuer de la valeur et du sens à ce qui nous arrive. »

Selon le scientifique, « l’effet que ça fait » est donc doté d’une valeur intrinsèque. Toute information traitée par le cerveau possède une ”valence” affective. Un terme qui désigne, en psychologie, la qualité agréable ou désagréable d’un stimulus ou d’une situation.

« Nous partons de l’idée que tout ce que nous percevons consciemment est automatiquement interprété et caractérisé avec une valeur émotionnelle. De manière intuitive, j’ai le sentiment que toutes les décisions que l’on prend sont motivées par l’envie de se retrouver dans des situations que nous jugeons, de manière subjective, plaisantes, et d’éviter celles perçues comme douloureuses ou pénibles. »

La conscience jouerait ainsi un rôle fondamental dans notre existence. Ce serait un moteur. « La vie ne vaudrait pas la peine d’être vécue si on n’en faisait pas l’expérience. Sans conscience, nous serions des zombies, sans regrets, sans états mentaux, mais aussi sans plaisir », conclut Axel Cleeremans.

Dans les années à venir, l’équipe réalisera une série d’expériences empiriques en vue de tester cette idée.

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