L’anomie expliquerait pourquoi les plus pauvres font moins confiance aux institutions politiques

17 janvier 2023
par Christian Du Brulle
Temps de lecture : 3 minutes

Selon l’Institut wallon de l’évaluation, de la prospective et de la prospective (Iweps), seuls 34,3 % des Wallons se disent confiants dans les institutions politiques (parlement, hommes et femmes politiques, partis, justice). Un chiffre bien en deçà de la moyenne belge (44,1%). « Cette confiance politique dépend, en partie, du revenu des personnes », précise l’Iweps, sur base des chiffres tirés de l’Enquête European Social Survey de 2018.

Si l’Institut wallon précise aussitôt que cette relation entre les revenus et la confiance dans les institutions politiques n’est pas « unidirectionnelle », il ressort tout de même que le taux le plus élevé de confiance se retrouve surtout chez les Wallons les plus aisés, ceux se situant dans la 5e catégorie (quintile) de l’étude.

Les plus nantis sont davantage exposés aux valeurs démocratiques

Mais pour quelles raisons cette confiance est-elle ainsi modulée? Une étude publiée en 2022 par des chercheurs de l’Université libre de Bruxelles sur base des mêmes données avancent une double explication.

Thierry Bornand (ULB et IWEPS) et Olivier Klein (ULB), tous deux de la Faculté des Sciences psychologiques et de l’Éducation, rappellent d’abord pourquoi, plus le statut socio-économique de la population est élevé, plus celle-ci fait confiance au système politique. « Plus le statut socio-économique est élevé, plus les personnes sont exposées aux valeurs démocratiques ou interagissent avec des institutions dignes de confiance. Cela accroît l’intérêt politique, ce qui augmente la confiance politique », indiquent-ils.

Dans l’étude, les deux hommes proposent une explication complémentaire. « Un statut socio-économique plus faible renforce la perception que le tissu social se désagrège (anomie), ce qui réduit la confiance politique ».

L’anomie est un concept remis au goût du jour à la fin du 19e siècle par Émile Durkheim. Le Français est considéré comme étant un des fondateurs de la sociologie moderne. « Ce concept d’anomie caractérise la situation où se trouvent les individus lorsque les règles sociales qui guident leurs conduites et leurs aspirations perdent leur pouvoir », comme le résume l’Universalis. « Ou quand ces règles sont incompatibles entre elles ou lorsque, minées par les changements sociaux, elles doivent céder la place à d’autres.»

La confiance politique influencée par la perception de la société

« Il est intéressant de noter que la présente étude révèle que les personnes ayant un faible statut socio-économique perçoivent davantage d’anomie dans la société que les personnes ayant un statut plus élevé, ce qui explique pourquoi elles font également moins confiance à la politique », indiquent les deux chercheurs de l’ULB.

Pourquoi cela est-il important ?  « Bien qu’il s’agisse d’un mécanisme psychologique majeur, la perception de l’anomie n’avait pas encore été étudiée empiriquement en tant que facteur explicatif de la confiance politique. Ainsi, cette étude nous apprend que la confiance politique n’est pas seulement une question d’évaluation de ce que les politiciens font ou ne font pas. La confiance politique est également influencée par la façon dont les individus perçoivent la société dans son ensemble. Elle est influencée par leur perception plus large du fonctionnement de la société. Si les gens ont l’impression que les normes morales ou la confiance sociale sont défaillantes, alors la confiance politique sera également en déclin.»

Il est important de noter que cette étude montre également que la perception de l’anomie est plus élevée chez les personnes ayant un statut socio-économique inférieur. Plus le statut des individus est bas, plus ils ont l’impression que le tissu social se désagrège. En d’autres termes, la différence de statut socio-économique est un élément qui, au niveau individuel, réduit la confiance politique, quelles que soient les performances ou les réalisations du gouvernement.

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