Un satellite d’observation de la Terre de la NASA a aidé des chercheurs à suivre les émissions (sources) de dioxyde de carbone (CO2) dans plus de 100 pays à travers le monde. Ce projet pilote offre un nouveau regard puissant sur le CO2 émis et retiré (puits) de l’atmosphère par les forêts et autres puits de carbone à l’intérieur des frontières nationales.
Dans le cadre de l’Accord de Paris, chaque pays est responsable de la surveillance et de la déclaration des émissions et des absorptions de gaz à effet de serre à l’intérieur de ses frontières, en fonction de secteurs. Ces données sont appelées « Inventaires nationaux des gaz à effet de serre » et sont compilées et soumises chaque année par les pays à la Convention-cadre des Nations unies sur les changements climatiques.
Une approche grevée de problèmes
« Cette approche ascendante pose toutefois quelques problèmes. Plus de 50 pays n’ont pas déclaré leurs émissions depuis 10 ans, ce qui entraîne des lacunes dans les données. Les estimations ascendantes des émissions et absorptions de CO2 reposent sur des données d’activité précises et actualisées et sur des modèles qui établissent un lien entre ces données et les émissions ou absorptions nettes », explique l’Institut royal d’aéronomie spatiale de Belgique (IASB).
Aussi, « ces approches peuvent présenter des incertitudes considérables lorsque les données d’activité sont en retard ou ne sont pas entièrement connues. Par ailleurs, il est difficile pour les pays de vérifier l’exactitude des inventaires agrégés aux totaux nationaux.
En outre, les inventaires nationaux ne comprennent pas les émissions et les absorptions de CO2 par les écosystèmes non gérés (y compris certaines parties des forêts tropicales et boréales) ou par les océans. »
De l’importance de la quantification
Or, il est crucial de les quantifier. Tout d’abord, car « la concentration n’est pas égale à l’émission. En effet, lorsque le CO2 est émis dans l’atmosphère par des sources humaines et naturelles, il est également éliminé de l’atmosphère par les océans, les lacs, les plantes, etc. L’émission nette doit être dérivée des données relatives à la concentration, et l’établissement de ces inventaires de CO2 nécessite des efforts et une expertise considérables. »
« Ensuite, les écosystèmes non gérés tels que les océans, les forêts tropicales ou les sites isolés sont difficiles à surveiller et ne sont pas bien pris en compte, ce qui entraîne d’importantes lacunes dans les données relatives au bilan mondial du CO2. »
« Si nous voulons avoir une chance de limiter les conséquences du changement climatique en maintenant le réchauffement de la planète en dessous de 1,5 °C, voire de 2 °C, il est absolument essentiel d’avoir une connaissance précise du bilan de CO2. »
Combler les lacunes avec l’approche descendante
C’est là qu’interviennent les données satellitaires et au sol de CO2 atmosphérique. Les émissions et absorptions nettes de CO2 déduites de ces données sont non seulement cruciales pour la validation des méthodes ascendantes, mais elles garantissent également une couverture globale des parties les plus éloignées du globe.
Les scientifiques de l’Institut royal d’Aéronomie Spatiale de Belgique ont fourni des données provenant d’une station terrestre située sur l’île de la Réunion. Celle-ci héberge des instruments effectuant des mesures de la colonne totale et des concentrations de surface in situ de gaz à effet de serre. Cela a été réalisé dans le cadre d’une étude internationale, menée par plus de 60 chercheurs du monde entier, qui a utilisé des mesures satellitaires effectuées par la mission Orbiting Carbon Observatory (OCO)-2 de la NASA et un réseau mondial de sites de surface pour quantifier les changements dans les concentrations de CO2 dans l’atmosphère de 2015 à 2020.
Ils ont ensuite été en mesure de déduire les émissions et les absorptions nettes de CO2 à l’origine de ces changements, en utilisant une approche descendante.
« Jusqu’à présent, l’étude montre que les données sur le CO2 atmosphérique peuvent saisir les émissions et les absorptions pour les grands pays extra-tropicaux (par exemple, les États-Unis, la Russie, la Chine), mais qu’elles restent difficiles pour les pays de taille moyenne (par exemple, la Turquie), en particulier pour les régions où la couverture des données locales est faible (telles que les tropiques) », expliquent les scientifiques belges.
Campagne de mesures européennes
Il faut que cela change, et vite, car 2023 marque le premier « Bilan mondial », un processus qui vise à évaluer les progrès collectifs du monde vers la limitation du réchauffement climatique spécifiée dans l’Accord de Paris, à intervalles réguliers de cinq ans. Cela signifie que le prochain bilan mondial est prévu pour 2028.
D’ici là, l’Europe entend avoir lancé et collecté les données de sa première mission spatiale dédiée au CO2 et dénommée mission Carbon Dioxide Monitoring – CO2M.
« L’élargissement de la couverture de mesure de CO2M nous permettra de combler les lacunes en matière de données et de mieux estimer les émissions et les absorptions pour les petits pays. Des extensions complémentaires des mesures de CO2 locales, au sol et par avion dans les régions sous-échantillonnées sont également nécessaires pour combler les lacunes d’observation critiques dans les régions, telles que les tropiques, où les nuages obstruent souvent les observations spatiales », concluent les scientifiques de l’IASB.