Fondé en 2015, le Smart Gastronomy Lab (ULiège), s’attelle à développer « l’alimentation 4.0 ». Les recherches portent sur l’utilisation de nouvelles technologies en agroalimentaire, notamment via l’impression 3D, mais aussi sur « l’Internet of food ». Autrement dit, le développement d’outils connectés au service du consommateur. Un prototype d’un de ces outils , un plateau-repas connecté, vient d’être testé en maison de repos. Son objectif ? Déceler les prémisses de dénutrition chez les personnes âgées.
Le repas, tronçonné en données
Manger, c’est couper les aliments avec un couteau, les piquer avec une fourchette, tremper un morceau dans la sauce. C’est aussi picorer, prendre son temps ou dévorer le contenu de l’assiette en moins de temps qu’il faut pour le dire. C’est aussi trier ce qu’on aime, repousser ce qu’on n’aime pas, ou ce qu’on n’a pas envie d’ingérer.
Avec son équipe, Dorothée Goffin, bioingénieure et directrice du Smart Gastronomy Lab, a développé un plateau-repas connecté. Il enregistre les mouvements, les forces et les pressions exercées sur l’assiette posée sur sa surface. Ces données lui permettent de créer une image numérique du comportement du mangeur face à son assiette.
La première application de cet outil connecté est de suivre le comportement des pensionnaires de maison de repos lors des repas.
« Le prototype permet de suivre un certain nombre de paramètres, et éclaire sur la façon de manger. La personne âgée commence-t-elle par les légumes ? A-t-elle des difficultés à couper sa viande ? A-t-elle ingéré suffisamment de protéines ? De plus, si cette façon de manger change au cours du temps, en quantité ingérée ou en durée du repas ou en fonction du choix porté sur les aliments réellement consommés, cela peut être révélateur de soucis de santé en cours ou à venir si une dénutrition s’installe. Le plateau est un outil d’aide à la décision à destination du personnel soignant », explique Dre Goffin.
A noter que la dénutrition toucherait jusqu’à 60% des résidents de maisons de repos et de soins.
Test en maison de repos
Après un peu plus d’an de recherche et développement, les plateaux-repas connectés ont quitté les paillasses du SGL pour rejoindre les tables d’une maison de repos de Gembloux. Un test grandeur nature y a été mené récemment : 6 plateaux ont été testés auprès de 6 pensionnaires pendant 6 semaines. Les données sont en cours de traitement.
« Toutefois, on a déjà pu voir toutes les difficultés d’intégrer ce type d’outil technologique dans des conditions réelles. Le prototype va être modifié, ainsi que la façon de capter les données et de les traiter. Nous espérons le commercialiser d’ici 2-3 ans, en fonction des projets de recherches et des subsides que nous obtiendrons », précise Dre Goffin.
Jusqu’ici, ce projet a bénéficié de fonds européens et wallons. De nouvelles demandes de financement ont été soumises pour améliorer le prototype, réaliser des études de marché ainsi que des phases de test de plus grande ampleur.
Dresser le profil de consommation
Les applications du plateau-repas peuvent s’imaginer au-delà des maisons de repos. Ainsi, lors du dernier KIKK festival, l’équipe du SGL a fait un premier essai sans fil. Sur les tables d’un restaurant gastronomique à la confluence à Namur, 60 assiettes étaient supportées par un plateau connecté.
« Ces 60 couverts ont été traités en parallèle. A la fin du repas, tous les convives ont pu découvrir leur profil de consommation. » Car oui, lorsqu’un aliment que l’on n’a jamais mangé auparavant trône dans l’assiette, notre comportement change. Certains ont un mouvement de recul, de rejet, on parle de néophobie, alors que d’autres, les néophiles, se réjouissent de goûter ce qui est inconnu à leur palais.
Un verre connecté
Dans la même veine que le plateau-repas connecté, l’équipe du Smart Gastronomy Lab a développé un verre connecté.
Actuellement en test à l’hôpital Vésale, il a pour objectif de détecter et de mettre en exergue les problèmes de déglutition des personnes âgées. « Cet outil devrait permettre aux gériatres de diagnostiquer plus facilement les problèmes de déglutition chez les aînés et de suivre l’évolution de ce symptôme. »
« Suite aux premiers retours de terrain, des améliorations vont être apportées au prototype, notamment en termes de design, mais aussi de gestion et de traitement des données. Et ce, afin que l’outil soit le mieux adapté au milieu médical », conclut Dre Goffin.