Image de HL Tauri et de son disque protoplanétaire où la vapeur d'eau est visible en nuances de bleu © ALMA (ESO-NAOJ-NRAO) - S. Facchini et al_

Pour la première fois, de l’eau a été détectée dans un disque de formation planétaire

26 juin 2024
par Camille Stassart
Durée de lecture : 5 min

Il y a 10 ans, la jeune étoile HL Tauri, située à environ 450 années-lumière de la Terre, se retrouvait sous le feu des projecteurs. Et pour cause :  une image dévoilait des détails inédits de son disque protoplanétaire. C’est-à-dire le disque de gaz et de poussière gravitant autour de l’étoile où se formeraient les planètes d’un système. Une prouesse réalisée grâce au télescope ALMA (Atacama Large Millimeter/submillimeter Array), composé de 66 antennes radio, qui venait alors d’être mis en service par l’Observatoire Européen Austral (ESO).

Une étude internationale vient de révéler que de la vapeur d’eau a été localisée dans ce même disque. Et c’est Mathieu Vander Donckt – à l’époque encore étudiant à l’ULiège – qui a découvert cette vapeur en analysant, dans le cadre de son stage à l’ESO, de nouvelles données collectées par l’ALMA.

Si les scientifiques savaient déjà depuis quelques années que certains disques protoplanétaires, dont celui de HL Tauri, contenaient de l’eau, jamais le composé n’avait encore été situé avec précision par des astronomes.

Image de HL Tauri et de son disque protoplanétaire prise par l’ALMA en 2014 © ALMA (ESO-NAOJ-NRAO)

L’équivalent de 3,7 fois le volume des océans terrestres

« Dans le cadre de mon master, j’avais obtenu une bourse de Wallonie-Bruxelles International pour réaliser un stage dans une organisation internationale, et j’ai décidé de contacter l’ESO », se souvient Mathieu Vander Donckt, aujourd’hui aspirant FNRS au Département d’astrophysique de l’ULiège.

« Leonardo Testi (NDLR : le second auteur de l’étude) m’a alors proposé différents sujets d’études sur les disques protoplanétaires. Il disposait notamment de trois jeux de données sur le disque de l’étoile HL Tauri, recueillis entre 2017 et 2019 par le télescope ALMA, qui n’avaient pas encore été analysés. J’ai donc étudié ces données, et c’est ainsi que j’ai découvert que le télescope avait détecté de la vapeur d’eau ! »

Par la suite, une nouvelle campagne d’observations a été menée en 2022 afin de préciser cette détection. In fine, l’équipe est parvenue à résoudre spatialement la présence de vapeur d’eau dans ce disque protoplanétaire, et même d’en mesurer la quantité. Estimant que le disque abrite, au bas mot, l’équivalent de 3,7 fois la quantité d’eau présente dans tous les océans de la Terre.

Détection de la ligne de glace, probable berceau des planétésimaux

« Une partie de cette eau était là à l’origine. Quand une étoile naît à partir de l’accrétion d’un nuage de gaz et de poussière, il restera des poussières et des gaz, dont de la vapeur d’eau, qui n’ont pas servi à former l’étoile, et qui se rabattront dans un disque. De la vapeur d’eau peut aussi se former par après, in situ, par réaction chimique », explique le doctorant.

En repérant précisément cette vapeur d’eau, les partenaires ont obtenu un autre résultat majeur : déterminer pour la première fois où se trouve la « ligne de glace » d’un disque protoplanétaire.

« En sachant où se trouve cette vapeur d’eau, on a pu déterminer où elle n’est plus détectée, signifiant qu’elle s’est condensée en glace. Dans le domaine, on appelle cela « la ligne des glaces ». C’est un paramètre très important dans les modèles de formations planétaires. En effet, on pense que c’est à cet endroit que se formeraient plus efficacement des planétésimaux, c’est-à-dire des petits corps solides qui, en grossissant, constitueraient des planètes. »

Vue aérienne du réseau d’antennes radio d’ALMA © Clem & Adri Bacri-Normier (wingsforscience.com) – ESO

Le mystère de l’origine de l’eau

La vapeur d’eau présente dans un disque protoplanétaire, en se transformant en glace, aiderait donc à la formation des futures planètes d’un système. Jouerait-elle aussi un rôle dans la formation des océans, et donc de la vie ? « Poser cette question revient à demander : d’où vient l’eau que l’on trouve sur les planètes ? Or, c’est une énigme à laquelle la science n’a pas encore apporté de réponse définitive. »

« Concernant la Terre, il y a deux hypothèses. La première est que les planétésimaux qui ont formé notre planète renfermaient de l’eau. Quand la Terre s’est formée, de l’eau se trouvait dès lors déjà en son sein, et serait remontée à la surface à un moment donné. La seconde hypothèse est que l’eau a été amenée par la collision de comètes et d’astéroïdes. Ceux-ci sont des fragments de planétésimaux glacés ou même, pour certains, des planétésimaux qui n’ont pas assez grandi pour former des planètes », rappelle Mathieu Vander Donckt, dont la thèse porte justement sur la composition chimique des comètes.

La question reste donc ouverte. Pour l’heure, cette nouvelle étude fournit de nouveaux résultats qui permettent de mieux comprendre la formation planétaire, ainsi que le rôle joué par l’eau dans ce processus. Selon l’ESO, les réponses à ces problématiques seront plus claires que jamais avec la prochaine mise en service de l’ELT (Extremely Large Telescope) prévue d’ici à 2028.

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