Vue de la Terre éclairée par le Soleil © NASA

Mission ECO : mieux mesurer le changement climatique depuis l’espace

11 septembre 2024
par Joffrey Onckelinx
Temps de lecture : 4 minutes

Si aujourd’hui la réalité du réchauffement de la Terre n’est plus à prouver, le mesurer de manière précise reste un travail de longue haleine. Pour tenter de résoudre ce problème, plusieurs projets voient le jour, c’est le cas notamment de la mission Earth Climate Observatory. Présentée par une équipe internationale de 12 scientifiques, sous la direction de l’Observatoire Royal de Belgique (ORB), la mission propose une nouvelle approche pour quantifier les déséquilibres énergétiques de le Terre (DET).

Un seul instrument

Dans des conditions normales, la Terre reçoit de l’énergie du Soleil et la perd ensuite vers l’espace. Ces deux flux sont censés s’équilibrer. Or, « à cause de l’augmentation des gaz à effet de serre dans l’atmosphère, la quantité d’énergie qui s’échappe vers l’espace diminue un tout petit peu. Et donc, il y a une petite différence, ou un déséquilibre, entre ce qui entre et ce qui sort. Et c’est cette différence qui est la raison principale expliquant l’augmentation de la température sur Terre », précise Steven De Witte, chef de l’unité « Physique solaire et météo spatiale » à l’ORB et auteur du projet.

Point crucial si nous voulons comprendre à quel rythme le réchauffement se produit, mesurer cette différence n’en demeure pas moins un exercice difficile. « Le problème de base de la mesure, c’est que l’on veut viser une différence entre deux quantités d’énergie presque égales. En métrologie (science de la mesure), c’est un problème difficile. Actuellement, on mesure l’énergie qui entre (sur Terre) avec un instrument et celle qui en sort, avec un autre type d’instrument. Une des nouveautés de la mission ECO, c’est que l’on va mesurer ces facteurs (l’énergie entrante et l’énergie sortante) avec le même instrument », explique le météorologue spatial.

Un radiomètre à large champ

Pour réaliser ces mesures, la mission se dotera d’un radiomètre à large champ.

Habituellement utilisé pour mesurer l’énergie provenant du Soleil, l’appareil mesure l’énergie sous forme de rayonnement en absorbant celui-ci dans une cavité et en mesurant le réchauffement de celle-ci.

« On va adapter cet instrument pour qu’il mesure l’énergie qui quitte la terre. Il a besoin d’être doté d’un large champ de vue, car il va mesurer l’énergie (entrante et sortante, NDLR) depuis l’espace d’horizon à horizon, soit cela un angle de 140° », explique Steven De Witte.

Une mesure complète du cycle diurne

Autre complexité, la variation systématique, avec l’heure de la journée, de l’énergie quittant la Terre. En effet, le rayonnement émis par la Terre varie au cours de la journée en fonction de l’angle d’incidence du soleil, des températures de surface et des phénomènes météorologiques.

« Traditionnellement, on observe la Terre depuis des satellites polaires héliosynchrones (qui passent toujours au même endroit à la même heure, NLDR). Mais le problème avec ces orbites-là, c’est qu’on ne peut effectuer les mesures qu’à deux moments dans la journée. Par exemple, à 14 h et à 2 h du matin. De telle sorte qu’on ne capte pas tout le cycle diurne de l’énergie sortante », précise Steven De Witte.

Pour pallier ce problème, les scientifiques ont prévu d’utiliser 2 satellites situés sur des orbites orthogonales inclinées à 90 degrés. Cela signifie que ceux-ci passeront au zénith des pôles nord et sud du globe ce qui permettra une étude globale du cycle diurne tous les 3 mois. Période qui, selon les simulations, devrait être suffisante pour arriver à effectuer une moyenne annuelle des déséquilibres énergétiques de le Terre.

Un projet sur le temps long

À noter que l’utilisation de ce couple de satellites devrait également permettre d’accélérer les mesures des déséquilibres énergétiques de la Terre. Pour l’heure, la seule façon que nous avons de les estimer est d’utiliser un large réseau de bouées dans l’océan mesurant la température. Et d’accumuler les mesures dans le temps. Le problème de cette méthode est qu’elle nécessite un très long temps d’intégration (de l’ordre de 5 à 10 ans) pour permettre d’obtenir des chiffres fiables.

Le projet ECO, qui ne devrait partir qu’en 2036 au plus tôt, est en lice avec 3 autres projets dans le cadre du programme « Earth Explorers » de l’ESA. Ce programme, qui compte une série de satellites, a pour but d’étudier et de mieux comprendre les questions scientifiques fondamentales liées aux sciences de la Terre.

Or, comme conclut Steven De Witte : « Si on veut réussir à stabiliser la température, ce qui est le but de l’accord climatique de Paris, il faut diminuer ce déséquilibre pour qu’il tende vers zéro. Si nous arrivons à pouvoir mesurer le DET et son évolution dans le temps, nous pourrons voir beaucoup plus tôt si ces accords sont atteignables et s’il est nécessaire de prendre des mesures supplémentaires le cas contraire. »

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