Que font les villes pour se prémunir des risques croissants liés aux canicules ? Depuis 2015, la Belgique a connu chaque année (sauf en 2021) une vague de chaleur, caractérisée par au moins 5 jours consécutifs à 25° C, dont trois dépassant les 30° C. Un phénomène plus fréquent encore en milieu urbain.
Dans le centre de Bruxelles, on observe en moyenne 3 fois plus de périodes de fortes chaleurs que dans les zones rurales avoisinantes. Avec des conséquences notables sur la santé des citadins, et surtout des populations vulnérables (enfants, seniors, personnes à faibles revenus, travaillant à l’extérieur,…). Cela est dû à l’effet d’îlot de chaleur: les matériaux comme l’asphalte, le béton et la brique captent plus facilement la chaleur en journée et la libèrent durant la nuit, empêchant l’air de se rafraîchir.
Dans un rapport récent, le cabinet d’architecture et d’ingénierie Sweco a évalué le degré de préparation de 24 grandes villes européennes, dont Bruxelles, aux vagues de chaleur.
Des différences Nord-Sud
D’après le rapport, presque toutes les cités étudiées ont élaboré un plan d’actions climatique comprenant des mesures d’adaptation urbaine pour atténuer l’impact d’un réchauffement climatique. Pour autant, les villes du Sud de l’Europe apparaissent les mieux préparées. « De manière générale, on observe que plus les localités sont situées dans le sud, plus les plans d’action sont aboutis », confirme Séverine Hermand de la division d’urbanisme de Sweco, et première autrice du rapport.
« Il faut dire que la gestion des risques associés aux épisodes caniculaires est une préoccupation historique dans ces villes, au contraire de celles du Nord de l’Europe où les périodes de forte chaleur sont un phénomène relativement nouveau. Helsinki (Finlande), par exemple, n’a pour l’heure aucune politique concernant les vagues de chaleur ». Or, selon l’étude, le nombre de jours de canicule pourrait y doubler au cours des 80 prochaines années.
La stratégie bruxelloise : miser sur la nature
Quid de la capitale belge ? D’après les experts, Bruxelles pourrait passer de 18 à 41 jours de canicule par an d’ici à 2100. Ses principales politiques de résilience contre la chaleur couvrent trois domaines clés. Déjà, le plan climatique de Bruxelles identifie les « solutions fondées sur la nature » comme la première étape pour lutter contre l’augmentation de la chaleur.
« Citons, à ce titre, les différents projets pour végétaliser et déminéraliser les rues ainsi que les places de la région menés depuis 2020 par Bruxelles Mobilité ». Au cours de l’hiver 2023-2024, l’administration a notamment planté près de 1200 arbres, en sélectionnant des espèces résistantes à la sécheresse.
Une autre clé du plan de lutte contre le changement climatique à Bruxelles est « l’adaptation des infrastructures et leur rénovation pour améliorer le confort pendant l’été », note le rapport. « Enfin, la ville reconnaît que l’urbanisme et l’urbanisation sont des leviers essentiels pour des mesures ambitieuses d’adaptation au climat. Les autorités communales sont en train de chercher à accroître l’accès aux espaces verts urbains à travers un programme de verdurisation.
Une approche classique
Pour Séverine Hermand, notre capitale présente une approche plutôt classique dans ses plans d’actions contre les fortes chaleurs. « Pour autant, l’investissement financier est assez important », relève-t-elle.
« La ville se démarque aussi dans ses ambitions pour renforcer la structure paysagère, comme à travers le projet OPEN Brussels », ajoute Diego Luna Quintanilla, architecte et urbaniste à la division d’urbanisme de Sweco et expert sur la thématique de la résilience pour la plateforme Urban Insight. OPEN Brussels visait à développer une vision paysagère pour un réseau cohérent d’espaces ouverts dans et autour de Bruxelles. « Dans le cadre des pics de chaleur, ces espaces ont leur importance, car ils reconstruisent des couloirs de refroidissement, ce qui a un impact sur l’effet d’îlots de chaleur. »
L’importance de tenir compte des communautés vulnérables
Le rapport conclut que si les localités étudiées prennent des mesures qui vont dans le bon sens, de nombreuses villes sont encore en phase d’apprentissage dans leur gestion des risques liés aux chaleurs extrêmes. « Selon moi, ce qui manque vraiment à Bruxelles, c’est une unité spéciale 100% dédiée à la lutte contre la chaleur en ville. A Rotterdam, par exemple, il existe des unités qui travaillent sur tous les risques climatiques, incluant les vagues de chaleur. Par ailleurs, des efforts restent à faire dans la prise en compte des populations vulnérables », souligne Séverine Hermand.
Comme le signale le rapport, « bien que les villes reconnaissent la corrélation entre les vagues de chaleur et les effets négatifs sur la santé, le concept d’égalité climatique reste sous-représenté dans la planification de la résilience urbaine. »