« On opère trop, on met trop de prothèses ! ». Pour soigner l’arthrose, le Pr Yves Henrotin, directeur de l’Unité de Recherche sur l’Os et Cartilage (ULiège), promeut une méthode moins invasive et davantage bénéfique pour la santé globale du patient : faire du sport, préférentiellement endurant. « Plus de muscles, moins de graisses », c’est le mot d’ordre à suivre qu’il a développé lors du JeudiSanté organisé par la Province de Liège. « Réduire le tissu adipeux, avoir plus de muscles, moins de douleurs, éviter les maladies, améliorer le bien-être : il y a beaucoup d’intérêts à se remettre en mouvement. »
Les femmes plus durement touchées
L’arthrose est une pathologie des articulations. En particulier, elle se caractérise par une perte de cartilage, laissant apparaître l’os sous-jacent. Elle touche particulièrement les mains et les genoux… et les femmes.
En effet, on compte deux fois plus de femmes souffrant d’arthrose que d’hommes. La raison ? Les fluctuations en œstrogènes, la prise de poids et de graisse ainsi que l’accélération de la fonte musculaire liées à la ménopause constituent un terreau propice au développement d’arthrose.
Une nécessaire vision holistique
L’avancée en âge est la cause principale de cette pathologie des articulations. « Le vieillissement conduit à une perte des propriétés mécaniques d’amortissement. L’usure va également faire disparaître le cartilage. Et malheureusement, on ne sait pas encore le remplacer », mentionne le Vice-Président du Conseil Fédéral de la Kinésithérapie. En parallèle, le surpoids conduit à une sursollicitation délétère des articulations.
« La raison pour laquelle un patient ne doit pas se précipiter chez le chirurgien, c’est qu’il y a différentes causes à la pathologie. Il est primordial de voir le patient arthrosique dans sa globalité, et de ne pas se focaliser uniquement sur l’articulation douloureuse. Prenons le cas d’une patiente qui se plaint d’avoir des douleurs au niveau des hanches. En réalité, le problème ne vient pas de ses hanches, mais d’un de ses genoux dans lequel l’arthrose a engendré toute une série de compensations. Cela veut dire que son corps s’est adapté à l’arthrose, et a finalement déplacé les contraintes mécaniques vers d’autres articulations, dont les hanches. » Dans ce cas-ci, la pose d’une prothèse de hanche ne s’attaque pas à la source du problème et ne le réglera donc pas.
Première cause de sédentarité
L’arthrose est associée à de nombreuses comorbidités. Parmi ces maladies associées, qui généralement apparaissent avec le vieillissement, citons l’infarctus du myocarde, les ulcères au niveau de l’estomac, et le syndrome métabolique, c’est-à-dire le diabète, l’hypertension et l’obésité.
« Avoir de l’arthrose est la première cause de sédentarité chez les adultes. Comme on a mal, on ne bouge plus, on développe un tissu adipeux, on devient obèse, on développe un diabète sur lequel se greffent des maladies cardiovasculaires. Il a été démontré que l’on court près de 2 fois plus de risque de mourir d’une pathologie cardiovasculaire si on souffre d’arthrose ! », précise le Chef du service de kinésithérapie et réadaptation fonctionnelle de l’hôpital Princesse Paola à Marche-en-Famenne.
« C’est pourquoi, dès les premiers signes d’arthrose, il est crucial d’aller trouver un médecin, un kinésithérapeute, pour commencer à renforcer sa musculature, à faire des exercices, pour éviter de devenir sédentaire. Il faut bouger !»
Du sport endurant pratiqué régulièrement
Mais pas n’importe comment. Déjà, il faut éviter les sports accidentogènes : football, basket, rugby. La course à pied (à condition d’être équipé de bonnes chaussures aux semelles amortissantes), la marche d’un bon pas, le vélo, la natation sont, au contraire, plébiscités. Quel que soit l’âge du patient.
A noter que les multiples travaux d’entretien de la maison ne sont pas considérés comme des mouvements bénéfiques à l’arthrose… « Il faut pratiquer régulièrement une activité physique d’endurance de loisir qui vous apporte du plaisir. Le Collège Américain de Rhumatologie recommande le tai-chi, une gymnastique associant le corps et l’esprit. Le yoga est également intéressant. »
« Les médicaments, comme les anti-inflammatoires, ne soignent pas seuls l’arthrose. Il faut toujours associer ce traitement pharmacologique avec de l’éducation thérapeutique afin de gérer le poids corporel du patient et son activité physique. Les médicaments doivent uniquement favoriser la rééducation, en permettant au patient d’avoir moins mal lors de son activité physique. Et celle-ci doit l’aider à diminuer le recours à toutes les antalgies. »
Se préparer à une déferlante d’arthrose
En 2050, la planète comptera 9,8 milliards de Terriens. Et 16% d’entre eux auront plus de 65 ans. « Les scientifiques estiment qu’à cet horizon, un milliard de personnes souffriront d’arthrose. Pour réfléchir à comment préparer non seulement les professionnels de la santé, mais aussi les autorités politiques à ce tsunami, nous avons créé un Conseil européen des patients, avec l’aide de l’Union européenne », explique le fondateur de la Fondation Arthose.
« En effet, cette maladie va engendrer des coûts importants. Aux Etats-Unis, en 2021, l’arthrose, en termes de coûts directs et indirects, représentait 137 milliards de dollars. Une somme à doubler d’ici 2050. Cela représente à peu près 2% du produit intérieur brut des pays. En parallèle, l’arthrose va créer de nombreuses inégalités entre les pays et les individus en termes d’accès aux soins de santé. Il y a là un véritable enjeu social et sociétal.»