Reconstitution 3D du crâne fossile de l’Homo précoce subadulte du site de Dmanisi © ESRF/Paul Tafforeau, Vincent Beyrand
Reconstitution 3D du crâne fossile de l’Homo précoce subadulte du site de Dmanisi © ESRF/Paul Tafforeau, Vincent Beyrand

Développement du cerveau, l’ombre de la lumière, avalanches dans les Alpes

24 novembre 2024
par Daily Science
Temps de lecture : 7 minutes

Le développement du cerveau humain révélé par les dents, observation de l’ombre… de la lumière, Pdf, le gène du cycle circadien, dans les Alpes, les avalanches vont devenir de plus en plus humides…

À la rédaction de Daily Science, nous repérons régulièrement des informations susceptibles d’intéresser (ou de surprendre) nos lecteurs et lectrices. À l’occasion de notre dixième anniversaire, nous relançons deux fois par mois notre rubrique du week-end « les yeux et les oreilles de Daily Science ». Avec, pour celle-ci, et à la demande de notre lectorat, un regard plus international.

 

Le développement du cerveau humain révélé par les dents

L’étude d’un fossile d’un ancien représentant du genre Homo datant de 1,77 million d’années, et provenant du site de Dmanisi en Georgie, a conduit une équipe internationale de chercheurs de l’Université de Zurich, du Synchrotron Européen de Grenoble (ESRF) et du Musée National Géorgien à reconsidérer l’hypothèse reliant l’allongement de l’enfance à la taille du cerveau chez l’Homme moderne (Homo sapiens).

L’analyse par imagerie synchrotron du développement dentaire du crâne fossilisé d’un individu presque adulte montre que, bien que cette espèce atteigne l’âge adulte aussi vite que les grands singes (environ 12 ans), elle présente une croissance dentaire proche de celle des humains modernes, suggérant une enfance prolongée. Cette dépendance prolongée des jeunes envers les adultes serait liée à une transmission culturelle renforcée au sein de groupes multigénérationnels, où les anciens transmettaient leur savoir aux plus jeunes.

Selon les chercheurs, ce contexte social aurait permis l’assimilation d’un volume croissant de connaissances, amorçant ainsi un processus évolutif où la sélection naturelle favoriserait la transmission culturelle, puis l’augmentation de la taille du cerveau. La quantité d’information augmentant de plus en plus, l’évolution aurait favorisé le développement de cerveaux de plus en plus grands, ce qui aurait entrainé le recul de l’âge adulte et l’allongement de la durée de vie. Cette étude suggère que l’allongement de l’enfance et les interactions multigénérationnelles auraient joué un rôle central dans l’évolution bioculturelle qui a mené à des cerveaux plus volumineux comme chez l’homme moderne.

La photo en tête d’article est une reconstitution en trois dimensions du crâne fossile de l’Homo précoce subadulte du site de Dmanisi en Géorgie qui a été étudié. Les couleurs verte, orange et rouge représentent les dents préservées (imagées respectivement avec le synchrotron à 5um, avec le synchrotron à 47um, et avec un scanner industriel à 250um). Les dents bleues sont des dents manquantes ajoutées en miroir à leurs homologues symétriques. Les premières incisives inférieures violettes n’ont pas été retrouvées et ont été extrapolées à partir de la deuxième incisive inférieure. (Crédit : ESRF/Paul Tafforeau, Vincent Beyrand)

 

Observation de l’ombre… de la lumière

Une équipe de recherche de l’Université d’Ottawa a observé pour la toute première fois un nouveau phénomène : l’ombre d’un faisceau laser. Cette découverte remet en question notre compréhension de la manière dont la lumière interagit avec elle-même.

Habituellement, les photons (les « particules de lumière ») se traversent les uns les autres sans interagir. Toutefois, la présente expérience montre que l’ombre projetée par un faisceau laser se comporte de la même façon que les ombres générées par des objets solides.

« Nous avons prouvé que, dans certaines conditions, la lumière peut en fait bloquer la lumière et ainsi créer une ombre », explique le professeur Jeff Lundeen, du Département de physique de l’Université. « Cela ouvre de nouvelles possibilités fascinantes pour contrôler et manipuler la lumière d’une manière qu’on n’aurait jamais cru possible auparavant. »

Dans son protocole expérimental, l’équipe fait passer un faisceau laser vert à travers un cristal de rubis tout en l’éclairant latéralement avec une lumière bleue. Cet agencement projette une ombre sur une surface, visible à l’œil nu. L’effet est dû à un phénomène appelé « absorption saturable inverse » qui se produit dans le cristal de rubis et qui permet au laser vert de bloquer le passage de la lumière bleue, projetant une région sombre qui suit les contours du faisceau.

« Le plus intrigant, c’est de voir à quel point cette ombre laser se comporte comme une ombre ordinaire », dit le professeur Lundeen. « Elle suit la forme de “l’objet”, dans ce cas notre faisceau laser, et se conforme même aux contours de la surface sur laquelle il est projeté, tout comme l’ombre d’une branche d’arbre, par exemple. »

 

Pdf, le gène du cycle circadien

La longueur du jour est un facteur qui fluctue en fonction des saisons et de la latitude. De nombreuses espèces ajustent leur rythme circadien (cycle d’activité quotidienne) pour s’adapter à ces variations. Les mouches n’échappent pas à cette règle. Mais quel est le fondement génétique de cette adaptation? C’est ce qu’ont mis en lumière des chercheurs de l’Université de Lausanne (Suisse).

Ils ont comparé deux espèces de drosophiles afin d’examiner leurs différences de flexibilité comportementale. Drosophila melanogaster, connue aussi sous l’appellation de « mouche du vinaigre », est présente dans le monde entier; elle subit dès lors de grands changements dans la longueur du jour et démontre une forte plasticité circadienne. À l’inverse, Drosophila sechellia, endémique des Seychelles, une région proche de l’équateur, connaît des fluctuations de jour bien moindres et affiche une plasticité plus réduite.

Pour comparer la plasticité circadienne de ces deux espèces, les scientifiques les ont soumises à un cycle circadien imposé d’une longue journée : 16 heures de lumière. Cette contrainte a eu des conséquences néfastes sur le « fitness » (entendu ici comme la capacité à survivre et à se reproduire) de D. sechellia, habituée à une durée de jour constante de 12 heures. « Cette espèce a perdu sa capacité à retarder son pic d’activité du soir en cas de photopériode plus longue; par conséquent, les longues journées sont stressantes pour elle et son taux de reproduction a baissé de moitié, tandis que D. melanogaster est restée parfaitement fertile », commente un des chercheurs de l’équipe.

Grâce à un crible génétique, les biologistes sont ensuite parvenus à découvrir un rôle clé du gène Pdf (Pigment-dispersing factor) dans cette divergence entre espèces. « Ce gène est responsable de l’expression du neuropeptide Pdf, qui est critique pour l’activité circadienne.

Comme on s’y attendait, le remplacement du gène de D. melanogaster par celui de D. sechellia a réduit la capacité de D. melanogaster à retarder son pic d’activité dans des conditions de longue journée, rapporte le professeur lausannois. D. melanogaster est comme une éprouvette génétique pour nous. Cette expérience a permis de révéler que les différences entre les gènes Pdf de D. sechellia et D. melanogaster contribuent aux écarts comportementaux entre ces deux espèces. » Les spécificités du gène Pdf de D. melanogaster expliquent en partie pourquoi cette espèce s’est largement répandue à travers le monde, alors que D. sechellia s’est spécialisée dans une seule niche.

Étant donné que le Pdf est également présent chez de nombreux autres arthropodes, tels que les moustiques dont la répartition mondiale s’étend, il pourrait jouer un rôle similaire chez ces derniers. De manière plus générale, nos travaux pourraient inspirer l’exploration d’autres formes de plasticité comportementale impliquant d’autres mécanismes cellulaires et moléculaires chez différentes espèces animales. Par exemple, les oiseaux chanteurs modifient leurs fréquences de vocalisation en réponse aux bruits causés par l’activité humaine, et les lézards changent leur comportement de repos en réponse à l’altitude, mais nous ne savons rien des mécanismes qui sous-tendent ces phénomènes. »

 

Dans les Alpes, les avalanches vont devenir de plus en plus humides

Au cours de ce siècle, de plus en plus d’avalanches de neige humide se produiront dans les Alpes, pendant la haute saison touristique, prévient la chercheuse suisse Stephanie Mayer, de l’Institut fédéral de recherches sur la forêt, la neige et le paysage. On parle de neige humide (mouillée) quand une partie du manteau neigeux a été humidifiée par l’eau de fonte ou de pluie dans la zone de départ de l’avalanche.

Cette tendance d’humidification de la neige dans les Alpes résulterait du réchauffement climatique de notre planète. Et contrairement à leurs homologues sèches, les services de sécurité avalanche ne peuvent guère déclencher artificiellement des avalanches de neige mouillée, explique Mayer. La seule mesure de sécurité possible est de fermer les zones à risque d’un domaine skiable”, estime-t-elle.

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