L’euthanasie concerne en majorité des patients cancéreux

25 février 2015
par Raphaël Duboisdenghien
Temps de lecture : 5 minutes

Émouvant, profondément humain… Avec «Vivre sa mort», le cinéaste Manu Bonmariage accompagne le combat de deux hommes, souffrant d’un cancer, décidés à mourir dignement. Ce documentaire sortira ce 4 mars à Bruxelles et Liège. Puis une tournée en présence du réalisateur est prévue à Ath, Hotton, Namur, Stavelot, Mons.

 

Affiche du film "Vivre sa mort", de Manu Bonmariage.
Affiche du film “Vivre sa mort”, de Manu Bonmariage.

«C’est à la fin de la projection de mon dernier film, La Terre amoureuse, que Philippe, un de mes neveux, m’a interpellé», raconte Manu Bonmariage qui a réalisé près de 50 films pour l’émission de télévision Strip-Tease. «Manu, je voudrais bien que tu fasses un film comme celui-là sur mon parcours. La vie n’est pas toujours bien rose sur terre! Mais au fil du temps et de ma lutte contre le cancer qui me ronge, je viens de découvrir un bon remède pour résister en voyant l’aptitude de mon corps à faire face, depuis deux ans, aux agressions répétitives et diverses de ce vicieux cancer. J’ai décidé de la vivre jusqu’au bout… la mort!»

 

Un frein: le poids de la tradition

 

Au seuil de la mort, Philippe en arrive à trouver l’idée d’euthanasie acceptable. Mais, le poids de la tradition et le manque d’adhésion à l’hôpital l’empêchent d’accéder à la fin de vie choisie. Il reçoit des soins palliatifs avant de s’éteindre aux côtés de son épouse.

 

Le prêtre Gabriel Ringlet, vice-recteur émérite de l’Université Catholique de Louvain, qui a accompagné l’euthanasie du prix Nobel de médecine Christian de Duve, suit la même démarche pour Manu, le deuxième personnage du long métrage. On assiste à la détérioration physique du malade. À ses ultimes instants, entourés de ses proches et du corps médical.

 

Bande-annonce du film “Vivre sa vie”

 

 

 

Un évangile de la libre pensée

 

«Avec ce film, j’ai l’intention d’accompagner des êtres humains tellement attaqués par la maladie qu’il s’impose de leur porter assistance comme à une personne en danger», dit Manu Bonmariage. «Non seulement au nom des droits de l’homme, mais surtout au nom d’un évangile de la libre pensée.»

 

En Belgique, l’euthanasie est reconnue comme un droit pour les malades qui se trouvent dans les conditions édictées par la loi du 28 mai 2002. Sans obligation pour le médecin de la pratiquer. Néanmoins, il est tenu d’informer le patient de sa position. Et, à la demande de celui-ci, de communiquer le dossier médical à un confrère choisi par le malade ou par une personne qui a sa confiance.

 

En Belgique, la « mort douce» progresse et concerne surtout la Flandre

 

L’augmentation du nombre de «morts douces» est constante selon le dernier rapport de la Commission fédérale de contrôle et d’évaluation de l’euthanasie aux Chambres législatives. De 235 en 2003 à 1.807 en 2013. La Commission constate que 20% des demandes sont rédigées en français, 80% en néerlandais. Dans 73% des cas, l’euthanasie a été obtenue pour un cancer généralisé.

 

«Les interdits et prescrits posés par les religions anti-euthanasie ne sont pas respectés par tous leurs adeptes», relève Olivier Nkulu Kabamba, médecin belge chargé de cours en Sciences humaines appliquées à l’Université de Montréal au Canada.

 

Soins palliatifs « intégraux »

 

«La pratique de l’euthanasie s’est intégrée progressivement dans les pratiques médicales de soins de fin de vie. Nombreux sont les médecins et infirmières de soins palliatifs, et parmi eux des catholiques convaincus, à avoir fait de l’euthanasie un acte médical, en complément des soins palliatifs », dit-il. La fédération flamande de soins palliatifs a même forgé l’expression de soins palliatifs intégraux où l’euthanasie a sa place en cas d’échec des soins palliatifs».

 

L’extension de la loi aux mineurs, votée en 2014, n’impose aucune limite d’âge… «C’est d’autant plus inquiétant pour certains, car l’on note notamment l’accroissement du nombre d’euthanasies sans contrôle sérieux.»

 

Mourir sereinement

 

"L'accompagnement spirituel de l'euthanasie", par le Dr Olivier Nkulu Kabamba, éditions Academia.
“L’accompagnement spirituel de l’euthanasie”, par le Dr Olivier Nkulu Kabamba, éditions Academia.

L’«Association pour le droit de mourir dans la dignité» propose son aide aux malades et aux médecins. Comme soignant et formateur de soignants, Olivier Nkulu Kabamba a rédigé «L’accompagnement spirituel à l’euthanasie», éditions Academia ( 14 euros).

 

Ce guide, axé sur la Belgique, s’adresse aussi bien aux croyants qu’aux non-croyants. «Le spirituel ne se réduit pas au religieux», souligne l’auteur. «L’accompagnement spirituel n’est qu’un maillon d’un ensemble complexe des ressources dont certains malades, pas tous, ont besoin pour mourir sereinement. Dans la relation, il importe de ne pas chercher à trouver les solutions à la place de la personne accompagnée. Ni à lui suggérer ce qui est bon ou le chemin qu’elle doit prendre.»

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