Pour la première fois en vingt ans, le nombre d’étudiants inscrits en première année dans la filière « ingénieur civil » dans les universités francophones belges a dépassé le nombre d’inscrits en première année « ingénieur industriel » des Hautes écoles. De quoi se réjouir ?
Albert Germain, le président de la Fabi (Fédération royale belge d’associations d’ingénieurs civils et bioingénieurs), a un avis mitigé sur la question.
« Dans notre dernier « baromètre de l’ingénieur en FWB », nous constatons en effet avec plaisir une augmentation dans le nombre global d’inscrits en première année des études d’ingénieurs », explique-t-il. « Lors de la dernière rentrée académique, ils étaient 2957 à entamer ces études, toutes filières confondues (ingénieurs, civils, ingénieurs industriels et bioingénieurs). Toutefois, nous sommes loin du niveau de l’année 2000, où nous comptions 3345 inscrits ».
Chute de 50% du nombre d’ingénieurs civils
Du côté des diplômés, la tendance est légèrement différente. La plateforme « Ingénieurs Belges » qui regroupe la Fabi et l’UFIIB (Union francophone des associations d’ingénieurs industriels de Belgique) constate des augmentations dans chaque filière. Elle est de plus de 10% pour les ingénieurs civils, 6% pour les bioingénieurs et de 1% pour les ingénieurs industriels par rapport à l’année précédente.
« Si le nombre d’ingénieurs civils et bioingénieurs est presque stable depuis 20 ans, en revanche celui des ingénieurs industriels a chuté de près de 50% », déplore François Russe, président de l’UFIIB. Dans le tableau ci-dessous, concernant le nombre de diplômés dans les différentes filières, le pic négatif de l’année 2008 chez les ingénieurs industriels correspond au passage de 4 à 5 années de ces études.
« Même si le renouvellement des générations est globalement assuré, la croissance du nombre de diplômés n’est pas suffisante pour répondre aux besoins actuels et futurs de la société », indique encore Albert Germain. « Les statistiques européennes montrent que le nombre d’ingénieurs formés et diplômés chaque année en Belgique, calculé par millions d’habitants, est au moins de 50% inférieur à celui de nos pays voisins (Allemagne, France, Pays-Bas) ».
Selon les estimations, il manquerait en Belgique entre 2000 et 4000 ingénieurs. Résultats, pour faire face à leurs besoins, les entreprises belges recrutent massivement à l’étranger.
Un exemple : Proximus. Rien que pour assurer son développement informatique, l’entreprise belge emploie directement quelque 770 personnes dans son département « IT ».
Recrutement d’ingénieurs indiens
« Ce type de profil est très difficile à trouver sur le marché belge », indique Haroun Fenaux, porte-parole de l’entreprise. « La demande en développement IT est grande, notamment pour simplifier nos systèmes de facturation, pour les systèmes informatiques de nos « calls centers » ou encore pour développer des applications qui permettent de faciliter la vie de nos clients, en leur permettant de vérifier leur consommation par exemple ».
La solution pour faire face à ces besoins en ingénieurs passe par l’étranger. Outre ses 770 spécialistes IT « maison », Proximus a recours à des sous-traitants étrangers.
« Nous travaillons avec des sociétés indiennes depuis 1997. Tous les sous-traitants confondus, nous avons 550 ingénieurs indiens qui travaillent dans nos bureaux, en Belgique », précise Haroun Fenaux.
Au vu des attentes du marché, le désintérêt des jeunes pour les études d’ingénieurs en Belgique laisse la Fabi et l’UFIIB perplexes. Ce type d’études mène clairement à l’emploi. Un emploi qui par ailleurs laisse entrevoir des rémunérations attrayantes et des perspectives de carrières variées, comme le montre encore le dernier « Baromètre de l’Ingénieur ».
Pourquoi alors ce désintérêt ? L’explication est peut-être à trouver en Inde… où les universités du pays « diplôment » quelque 700.000 ingénieurs chaque année.