Pics de méthane dans les eaux côtières belges

12 juillet 2016
par Daily Science
Temps de lecture : 3 minutes

Pour les estivants, rien de tel qu’une eau de mer à 19 degrés pour se rafraîchir à La Panne, Ostende ou Blankenberghe. Pour les géochimistes de l’université de Liège, c’est par contre une valeur limite. Quand l’eau de mer passe de 17 à 19 degrés, ils observent le long des côtes belges un phénomène inquiétant: le taux de méthane dissous grimpe en flèche!

 

C’est le chercheur Alberto Borges, de l’Unité d’océanographie chimique de l’ULg, qui a fait cette découverte, en étudiant le cycle du méthane dans l’eau de mer.

 
Cent nanomoles de méthane par litre d’eau de mer

 

«  Nous avons enregistré jusqu’à 1000 nanomoles de méthane (CH4) par litre, ce qui représente en masse 16 milligrammes par mètre cube, explique Alberto Borges. Le chiffre peut sembler dérisoire, mais les eaux de surface des océans ont en moyenne 3 nanomoles de méthane par litre, soit une concentration plus de 300 fois moins importante ».
 

Evolution des taux de méthane dans les eaux côtières belges en fonction de la température. © Borges/ULG
Evolution des taux de méthane dans les eaux côtières belges en fonction de la température. © Borges/ULG

 

D’où vient ce méthane ? Il faut retourner 16 000 ans en arrière pour en identifier l’origine. A une époque où forêts et tourbières reliaient l’Angleterre et l’Irlande au reste du continent européen.

 
Une question de thermodynamique

 

Quand l’océan a petit à petit recouvert ces vastes zones humides, les tourbières ont été piégées dans des couches de sédiments. «  Cette matière organique a été dégradée par des communautés bactériennes », explique le chercheur. « Dans les milieux oxygénés, les bactéries qui détruisent la matière organique consomment l’oxygène. Thermodynamiquement, c’est le plus efficace. Donc tant qu’il y a de l’oxygène, les bactéries aérobies sont les plus compétitives ».

 

Mais dans un milieu où l’oxygène n’est pas renouvelé, comme dans les couches les plus profondes des sédiments, les bactéries finissent par épuiser cet oxygène. Elles laissent ensuite la place à d’autres bactéries qui se développent en anaérobie.

 
Libéré dans l’atmosphère dans les zones côtières

 
De nouvelles réactions se mettent alors en place pour dégrader la matière organique. En bout de chaîne arrive la fermentation, le processus de dégradation le moins efficace. Cette fermentation en zone humide saturée de matière organique comme ces tourbières produit alors du méthane. C’est le même processus que celui qui se déroule dans les systèmes digestifs du bétail.

 
Cette production de méthane génère des poches de gaz qui sont progressivement libérées dans l’eau. Là où les eaux ne se mélangent pas, dans les grandes profondeurs, le méthane reste bloqué dans les couches profondes. Il y est transporté latéralement et n’est pas émis vers l’atmosphère. Près des côtes, dans les zones d’eau mélangées en permanence et riches en matières organiques, particulièrement en été, le méthane libéré des sédiments se retrouve très facilement en surface et peut être émis vers l’atmosphère.

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