Oliviers attaqués par Xylella fastidiosa, dans le sud de l'Italie. © EPPO
Oliviers attaqués par Xylella fastidiosa, dans le sud de l'Italie. © EPPO

Le lait wallon à la rescousse des oliviers italiens

19 avril 2016
Par Daily Science
Temps de lecture : 4 minutes

Le titre est racoleur? C’est clair. Il cache cependant diverses avancées scientifiques et technologiques remarquables réalisées en Wallonie et susceptibles de venir en aide aux producteurs d’olives de la région des Pouilles, dans le sud de l’Italie. Des avancées développées à Gembloux Agro-Bio Tech (ULg), en collaboration avec une entreprise de Tubize, Taradon Laboratory, dont l’unité de production est installée à Ghislenghien.

Comment protéger les oliviers avec du lait?

« L’idée est de récupérer, dans le lait de vache, certains composés qui présentent un pouvoir bactéricide », explique le Pr Haïssam Jijakli, directeur du laboratoire de phytopathologie, à Gembloux AGro-Bio Tech.

« Et ce afin de lutter en douceur contre certains ravageurs des cultures ».

Une enzyme du lait pour tuer la bactérie Xylella fastidiosa

Bien entendu, il n’est pas question de pulvériser du lait sur les oliviers du sud de l’Italie pour les préserver des attaques de la bactérie Xylella fastidiosa. Seuls les composés utiles intéressent les chercheurs de Gembloux et son partenaire industriel.

Il est question ici d’une enzyme: la lactoperoxydase. La société Taradon-Laboratory extrait ce composé puis réinjecte le lait traité dans le circuit alimentaire.

« L’extraction de cette molécule ne dénature absolument pas le lait », précise le Pr Jijakli.

« Après extraction, il peut encore servir à faire du fromage par exemple. Au cours des transformations du lait par l’industrie alimentaire, lors d’un traitement UHT (Ultra Haute Température), cette enzyme est de toute manière éliminée. Son extraction en début de circuit en permet donc une belle valorisation ».

Un premier partenariat fructueux, lancé il y a six ans

La peroxydase présente donc des propriétés antimicrobiennes. Elle est déjà utilisée dans l’industrie pharmaceutique ou dans les cosmétiques.

« On en retrouve également dans certains dentifrices », note le Pr Jijakli.

« Cette enzyme est utilisée pour soigner les êtres humains. Il y a six ans, nous avons commencé à explorer ses utilisations potentielles pour soigner… les végétaux ».

C’est ici que le partenariat avec Taradon a été mis sur pieds, avec le soutien de la Région Wallonne (DGO6). « Nous avons pu montrer que la lactoperoxydase est utile pour lutter contre le mildiou de la pomme de terre, ou encore le mildiou de la vigne », indique le scientifique.

L’enzyme issue du lait est également utile pour limiter/retarder l’apparition de pourritures (des champignons) sur des fruits coupés, comme des pommes ou des oranges ».

Désormais, les deux partenaires wallons voient plus loin, et plus grand. Ils ont rejoint un consortium international: le consortium LuBiXyl (acronyme de « Lutte Biologique contre la Xylella »), dont le coordinateur n’est autre que le Pr Claude Bragard, docteur en agronomie et président de l’« Earth and Life Institute » de l’UCL.

Préserver les oliviers, les agrumes et les caféiers

« LuBiXyl” regroupe des chercheurs issus de 26 universités, une trentaine de laboratoires et une quinzaine d’acteurs économiques et territoriaux.

« Notre participation dans ce consortium concernera l’étude de l’épidémiologie de la maladie », précise Haissam Jijakli.

« Nous voulons étudier plus en détail la manière dont elle se développe, le cycle de la bactérie, ses vecteurs et ses plantes hôtes. C’est plus précisément la sous-espèce « pauca » de la bactérie Xylella fastidiosa qui nous intéresse: celle qui infeste les oliviers dans le sud de l’Italie. Mais qui attaque aussi les agrumes et le caféier ».

Les chercheurs de Gembloux attendent désormais de pouvoir disposer de quelques spécimens de cette bactérie afin de l’étudier. Avec leurs partenaires, ils vont également élaborer des moyens d’action à mettre en œuvre sur le terrain pour lutter contre cette maladie.

La situation est préoccupante. L’Organisation européenne et méditerranéenne pour la protection des plantes (EPPO) rappelle que c’est en octobre 2013 que la bactérie a été détectée pour la première fois dans les Pouilles (Sud de l’Italie). Depuis, Xylella fastidiosa a été détectée en Corse (2015) et même dans la région de Nice, dans le sud de la France, voici quelques mois à peine.

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