Dépistage de l’hypertension aux Cliniques universitaires Saint-Luc © Christian Du Brulle

Cibler les nerfs sympathiques pour lutter contre l’hypertension

2 juin 2023
par Christian Du Brulle
Durée de lecture : 4 min

L’arsenal thérapeutique à la disposition des médecins amenés à soigner les personnes souffrant d’hypertension artérielle s’enrichit. Depuis une dizaine d’années, aux Cliniques universitaires Saint-Luc (UCLouvain), à Bruxelles, la « dénervation rénale » fait son chemin. Le service de cardiologie joue même un rôle de pionnier dans le développement de cette technique.

« La dénervation rénale reste un traitement appliqué avec parcimonie », explique en substance le Pr Alexandre Persu, du Service de Cardiologie des Cliniques Saint-Luc. « Et, à ce stade des connaissances, uniquement dans le cadre d’études. Sur un an, nous traitons désormais une dizaine de patients selon ce protocole. »

Le chiffre est effectivement confidentiel. Rien qu’en Belgique, on estime qu’une personne sur cinq souffrirait d’hypertension. Et que la moitié de ces « patients » ignorent (tout comme leurs médecins) qu’ils souffrent de cette affection. Laquelle peut avoir des conséquences dramatiques si elle n’est pas prise en charge comme un accident vasculaire cérébral ou infarctus.

Privilégier l’hygiène de vie et les traitements médicamenteux

Sur le front des traitements, cette maladie peut être traitée via des interventions sur le mode de vie des patients (perte de poids, limitation de la consommation de sel et d’alcool, exercice physique régulier) le plus souvent en association avec un traitement médicamenteux. « Dans la grande majorité des cas, l’hypertension peut être contrôlée via la prise de deux médicaments complémentaires », souligne le Pr Persu.

« Pour les patients souffrant d’une hypertension résistante aux traitements habituels, la dénervation rénale peut constituer une alternative intéressante. Mais, attention, pas dans n’importe quelle situation. Ce n’est certainement pas un traitement à envisager en première intention », dit-il.

Radiofréquence, ultrasons ou alcool

La dénervation rénale consiste à détruire une partie des fibres nerveuses du système sympathique au niveau de l’artère rénale. Cela se réalise par voie endovasculaire. Une sonde est introduite dans l’artère et est ensuite actionnée. Elle détruit alors localement les nerfs visés via l’émission de radiofréquences, d’ultrasons ou encore via l’injection d’alcool.

« On sait depuis longtemps que le système nerveux sympathique joue un rôle dans l’hypertension, en particulier le système sympathique rénal », explique le Pr Persu. « Le système nerveux sympathique peut agir sur le rein en activant la rétention d’eau et de sel, notamment. Mais aussi sur les messages que le rein expédie vers le système nerveux central, ce qui peut ensuite avoir un effet sur les vaisseaux sanguins. C’est ce qui explique que détruire une partie des fibres nerveuses sympathiques au niveau de l’artère rénale a semblé être une cible thérapeutique intéressante pour contrôler l’hypertension sévère. »

« L’efficacité de la dénervation rénale par radiofréquence ou par ultrasons est désormais bien établie », indique le spécialiste de l’hypertension. « Les études observationnelles suggèrent une efficacité similaire de la technique par alcoolisation. Toutefois, pour cette dernière, les résultats des essais randomisés sont encore en attente. En moyenne, la dénervation rénale peut faire baisser la tension artérielle systolique de 5 à 10 mm de mercure. Des baisses de tension substantielles sont observées chez environ 1/3 des patients. Ceci nous motive à continuer à proposer cette technique dans des cas bien sélectionnés et à poursuivre la recherche. »

Consensus européen

Aux yeux du médecin, il est clair que cette technique n’est pas à utiliser d’emblée pour le traitement de l’hypertension. Outre une meilleure hygiène de vie et l’administration de deux, voire trois, médicaments soigneusement choisis doivent être privilégiées.

C’est essentiellement en cas de résistance ou d’intolérance multiple au traitement que la dénervation rénale mérite d’être envisagée.

Cette technique et ses indications ont fait l’objet d’un « position paper » de la Société Européenne d’Hypertension, suivi par plusieurs autres, avec des conclusions assez similaires.

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