Une recherche longue de 5 ans sur la fonte de la calotte glaciaire de l’Antarctique vient de se clôturer. Ce projet répondant au nom de STERO MIMO (Monitoring melt where Ice Meets Ocean) a été financé par Belspo. En exploitant l’imagerie satellitaire radar, il a permis de localiser précisément fissures et front de vêlage de plateforme de glace. Une avancée qui permet de mieux quantifier les paramètres utilisés dans les modèles de prédiction du comportement de la calotte glaciaire.
Une ceinture de sécurité
L’Antarctique n’est rien de moins que la plus grande masse de glace terrestre posée sur un continent rocheux. Sous l’effet de la gravité, cette glace continentale s’écoule de tout son poids, et atteint progressivement les bords du continent. Cette glace étant plus légère que l’eau de mer, elle se met à flotter et forme des plateformes de glace flottante.
Ces structures entourent 70 % de la circonférence de l’Antarctique. Et jouent un rôle crucial dans la stabilité de la calotte glaciaire. « Considérées comme sa ceinture de sécurité, elles agissent comme des régulateurs de l’écoulement de la glace en exerçant ce qui est appelé ‘un effet de contrefort’. Et ce, par exemple, par des contraintes locales dans une baie ou via des éléments topographiques », expliquent les chercheurs.
La perte de glace s’accélère
A l’équilibre, une plateforme de glace perd autant de glace qu’elle en gagne. Mais suite au réchauffement du climat, cette stabilité est compromise en de nombreuses zones tout au long de la circonférence de l’Antarctique.
« L’amincissement ou l’endommagement des plateformes de glace provoquent une accélération de l’écoulement de la glace et un recul de la ligne d’ancrage, c’est-à-dire de la limite entre la glace flottante et la glace sur terre », note Pr Frank Pattyn, directeur du Laboratoire de glaciologie de l’ULB et du projet MIMO. Des quantités énormes de glace continentale antarctique se répandent alors directement dans l’océan.
Tandis que le Pôle Sud perdait 40 Gt de glace par an dans les années 1980, cette fuite se chiffre à plus de 250 Gt par an depuis 2010. Une étude récente, menée à l’ULiège, estimait que pas moins de 34 % des plates-formes de glace en Antarctique pourraient disparaître d’ici à la fin du siècle si la planète se réchauffe de 4°C par rapport aux températures préindustrielles.
De quoi entraîner une hausse significative du niveau des mers. En effet, le contient Antarctique est le plus grand contributeur potentiel à l’élévation du niveau de la mer. Sa contribution, qui était de 7 % pour la période 1971-2018, a grimpé à 14 % depuis 2016.
Un radar satellitaire pour surveiller les plateformes de glace
« Contrairement à d’autres événements indésirables induits par le réchauffement climatique, l’élévation du niveau de la mer est irréversible à long terme et est susceptible de provoquer un bouleversement complet de la répartition géographique de la population mondiale. Comprendre les mécanismes du comportement des plateformes de glace est donc crucial pour l’étude des impacts du changement climatique. Le projet MIMO est né de cette perspective », poursuit Pr Frank Pattyn.
« Grâce aux recherches menées dans le cadre de ce projet, il est désormais possible de combiner les produits de télédétection SAR (Synthetic Aperture Radar) avec des techniques conçues à l’origine pour l’imagerie médicale, afin de détecter automatiquement les fissures et de surveiller la localisation du front de vêlage, c’est-à-dire la frontière entre une plateforme de glace et un iceberg. » Et ce, à une résolution spatiale et temporelle élevée.
Un test réalisé sur Pine Island
La technique a été testée sur le glacier de Pine Island. Situé sur le flanc ouest du continent antarctique, il souffre d’une dynamique forte, d’importants événements de vêlage et d’un recul général du plateau glaciaire.
Les scientifiques ont utilisé près de 200 acquisitions SAR du satellite Sentinel-1, de 2016 à 2020, avec 6 jours de décalage entre les images. Résultat ? Tant les fissures que le front de vêlage de Pine Island ont pu être clairement localisés.
« La technique développée par l’équipe constitue une avancée majeure pour la surveillance des fractures des plateformes de glace et ouvre la porte aux résultats quantitatifs », conclut le Pr Pattyn.