Le virtuel au service de la gestion forestière

4 mars 2019
par Laetitia Theunis
Durée de lecture : 4 min

Le digital est omniprésent. Il étend ses tentacules et ses antennes jusqu’au coeur même de nos forêts wallonnes. Sans quitter son sofa, il sera bientôt possible de réaliser un inventaire sylvicole virtuel et de suivre l’évolution de la couverture forestière année après année. Ces nouveaux outils de gestion forestière sont le fruit de recherches universitaires. Ils ont été présentés à Namur, lors du colloque de l’Accord-cadre de recherches et vulgarisation forestière.

Une cartographie continue de la forêt wallonne

Mises bout à bout, les forêts wallonnes couvrent un tiers de la superficie de la région. Sur ces 556.200 hectares dévolus aux arbres, 475.200 hectares sont des peuplements appelés productifs. Autrement dit, 85 % de nos forêts sont des forêts de rente. Elles sont composées majoritairement de feuillus (57%), les résineux représentant quant à eux 43 % des espèces.

Comment évoluent-elles ? Pour y répondre, Nicolas Latte, bio-ingénieur et chercheur à Gembloux Agro-Bio Tech, a développé une triade de cartographies.

« On a voulu générer des cartes complètes de la forêt wallonne. Avec une mise à jour annuelle, c’est assez fin, et cela nous permet d’analyser une évolution temporelle. Afin d’avoir la meilleure résolution possible, on utilise des images aériennes prises par avion, des ortho-photoplans produits par le service public de Wallonie depuis 2006, ainsi que des données satellitaires, en particulier celles de Sentinel-2. »

Les résolutions spatiales varient ainsi de 5 cm à 10 ou 20 mètres, en fonction du type d’acquisition.

L’idée était de trouver réponse à des questions basiques et pourtant primordiales à la gestion forestière. La première interroge l’utilisation du sol. Où se trouve la forêt et quelles sont ses limites ? Pour y répondre, les ortho-photosplans ont été introduits dans un algorithme « qui a généré un masque forestier pour l’année 2016 avec une précision au sol de 2 mètres», explique le chercheur avant d’embrayer sur la deuxième question: Quelle est la composition de la forêt ?

 

Enfin, « au départ de la situation 2016 de la forêt, on peut capturer son évolution dans le temps. Le focus a été mis sur les coups rases car ce sont elles qui impactent le plus le paysage forestier. » Une carte « coupes rases » permet d’identifier les mises à blanc effectuées chaque année.

Ces différentes cartes sont élaborées avec le soutien de l’Accord-cadre de recherches et vulgarisation forestière et celui de deux projets Interreg : ForetProBos et Regiowood II. En cours de validation, elles seront gratuitement accessibles à tous d’ici peu sur le géoportail de la Wallonie.

Un modèle numérique pour remplacer les inventaires de terrain

Déterminer les espèces composant une forêt et la taille des différents arbres, ce n’est pas une sinécure. Ce travail est si fastidieux que bien souvent, les forestiers se contentent d’analyser une petite surface représentant à peine quelques pourcents de l’aire boisée totale. L’avancée technologique est en passe de reléguer cette pratique chronophage dans la liste des actes désuets.

Utilisé en foresterie depuis une dizaine d’année, le LIDAR aérien se profile en meilleur ami des gestionnaires sylvicoles.  Aéroporté, ce système de balayage laser à haute fréquence permet de fournir un nuage de points tridimensionnel de la forêt survolée.

« Ces nuages de point permettent d’appréhender la forme du relief et celle de la couverture forestière, et sont transformés en couche cartographique. Le modèle numérique de la canopée donne ainsi en continu et sur l’ensemble d’une forêt,  la hauteur du couvert forestier qui la compose », explique Philippe Lejeune, Professeur ordinaire et Chef de service en charge de l’Unité des Ressources forestières à Gembloux Agro-Biotech (ULiège).

Et de préciser, « on peut utiliser cette couche cartographique en tant que telle mais on aura généralement intérêt à l’exploiter au travers de modèles statistiques avec des applications cartographiques spécifiques. L’un d’elle a été développée au cours de cet Accord-cadre. Elle s’appelle ForEstimator et porte bien son nom : son environnement cartographique permet d’estimer différents paramètres dendrométriques, et donc quelque part à se substituer à un inventaire forestier de terrain. »

Concrètement, c’est assez simple. Dans un univers cartographique open-source, il s’agit de dessiner le contour de sa parcelle forestière et, moyennant une connexion internet, de solliciter le serveur cartographique. Actuellement, le système fonctionne uniquement pour les peuplements résineux. Il en donne la hauteur dominante et l’indice de productivité, du moins si la date de plantation des parcelles est connue.

« La précision est bonne. Il y a une bonne concordance entre l’estimation numérique et la mesure réalisée sur le terrain. »

Le modèle est considéré comme équivalent à un inventaire forestier « à l’ancienne ». De quoi remplacer les bottes et le grand bol d’air en forêt par quelques clics assis derrière un bureau.

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