Série : Diffusion massive du savoir (4/5)
Saviez-vous que certains insectes font d’excellents parents ? Ou encore que les éléphants d’Asie pratiquent des rituels funéraires ? A travers la chaine YouTube « Science bestiale », le Pr François Verheggen, responsable du laboratoire d’Ecologie chimique et comportementale à Gembloux Agro-Bio Tech (ULiège), épingle les découvertes les plus récentes en éthologie, la science qui étudie les comportements (parfois surprenants) des animaux.
Lancée en octobre 2023, cette chaîne vise à promouvoir les recherches dans le domaine auprès du grand public, tout en suscitant de possibles vocations chez les plus jeunes.
Un projet né au Mexique, en plein confinement
« L’idée de lancer cette chaîne YouTube est née en 2020 », se rappelle François Verheggen. « Je bénéficiais à l’époque d’une année sabbatique pour mener une mission de recherches en Australie et au Mexique. Mais, arrivé au Mexique, mes plans sont tombés à l’eau quand le premier confinement dû au Covid-19 a été décrété. »
« J’ai alors décidé de me concentrer à 100 % sur l’un des points de mon programme : écrire un livre à destination du grand public décrivant 30 comportements insolites d’animaux ». Ouvrage paru en 2022 sous le titre « Un Tanguy chez les Hyènes ».
« En parallèle, je me suis demandé : est-ce que je ne ferai pas davantage de vulgarisation scientifique à l’avenir, en lançant une chaîne YouTube ? J’ai mis de côté ce projet un moment, avant de m’y consacrer pleinement en 2023. »
Le chercheur opte d’emblée pour ce format pour plusieurs raisons. Déjà, la plateforme YouTube, qui existe depuis près de 20 ans, est aujourd’hui bien implantée et les vidéos peuvent facilement être retrouvées, contrairement à d’autres médias sociaux. « Une autre raison est que j’aime la caméra. Se mettre en scène en vidéo, c’est comme du théâtre, ce qui rejoint l’enseignement, je suis donc à l’aise dans l’exercice. »
Des vidéos en phase avec l’actualité scientifique
Réaliser des vidéos ne s’improvise toutefois pas. Le Pr Verheggen suit ainsi en décembre 2023 une formation en ligne pendant 6 semaines sur la façon de choisir un sujet, d’éclairer son lieu de tournage, de faire une miniature, d’écrire un script, etc. « Cela m’a été très utile. Se lancer sur YouTube nécessite d’acquérir une tonne de compétences. Ce que je ne soupçonnais pas. »
Dès le départ, il embauche son voisin, étudiant en cinéma, pour s’occuper du montage. « En dehors de cela, je me charge de tout : la recherche de sujets, l’écriture, le tournage, lequel se fait depuis mon domicile… Les sujets sont toujours choisis selon l’actualité de la recherche. Je pars toujours des résultats d’une publication récente que je trouve passionnants. J’insère d’ailleurs des liens et des captures d’écran vers ces articles », précise le chercheur.
Très actif, le professeur en zoologie publie une à deux vidéos par semaine. « 1/10 de mon temps de travail est dédié à la chaîne, ainsi que tout mon temps libre. Ce n’est pas toujours simple. Je dois optimiser le temps que j’investis dans ce projet pour pouvoir le concilier avec ma vie de famille et professionnelle. »
L’investissement s’avère néanmoins payant puisque, quelques mois après la mise en ligne de sa première vidéo, « Science bestiale » compte près de 5.000 abonnés. « C’est peut-être ambitieux de ma part, mais mon objectif est d’atteindre les 100.000 d’ici la fin de l’année. Soulignons toutefois que, ce qui compte vraiment, c’est le nombre d’heures de vues. Quand on a atteint 1.000 heures de visionnage en une seule journée, on était super content. Cela signifie qu’on a réussi à toucher les gens. »
Monétisation, nouveaux formats et collaborations
Depuis avril 2024, la chaîne est monétisée, récupérant une partie des revenus des publicités diffusées en début des vidéos. « Pour pouvoir en bénéficier, une chaîne doit avoir au moins 1.000 abonnés et avoir engrangé 4.000 heures de visionnage », fait savoir le chercheur.
Une rentrée d’argent bienvenue pour assumer les différents coûts de la chaîne (rémunération du monteur, formations, achat d’équipement…). Pour l’heure, Science Bestiale est en partie financée par les recettes réalisées par le laboratoire du Pr Verheggen, dans le cadre de prestations pour des entreprises privées. « Je mise sur une indépendance financière vis-à-vis du laboratoire d’ici à la fin de l’année. »
De quoi envisager de vivre de cette occupation ? « Non, car je ne veux pas abandonner la recherche », tempère le scientifique. « Toutefois, j’adorerais pouvoir réduire mon temps de travail et dédier un mi-temps à la vulgarisation. J’apprécie beaucoup ces heures consacrées à la réalisation. Et j’ai beaucoup de projets pour l’avenir, comme proposer de nouveaux formats en allant à la rencontre de spécialistes. Ou encore collaborer avec d’autres scientifiques actifs sur YouTube », conclut François Verheggen.