Ces animaux tellement humains… Ou est-ce l’inverse?

17 janvier 2022
par Laetitia Theunis
Durée de lecture : 4 min
"Un Tanguy chez les hyènes", par François Verheggen. Editions Delachaux et Niestlé. VP 22,9 euros
« Un Tanguy chez les hyènes », par François Verheggen. Editions Delachaux et Niestlé. VP 22,9 euros

Alcoolisme chez les singes, speed dating des tétras, relations commerciales et massages du labre nettoyeur, guerre des clans des suricates ou encore infanticide des lions dominants, les animaux ont de quoi nous surprendre. Dans « Un Tanguy chez les hyènes », paru aux éditions Delachaux et Niestlé, François Verheggen, professeur de zoologie à l’Université de Liège, nous décrit trente comportements insolites d’animaux. Ecrites à la lumière des dernières découvertes scientifiques en éthologie et basées sur les travaux pionniers, ces histoires ne manquent pas de nous faire écarquiller les yeux.

Tirs ciblés de fientes

Nikolaas Tinbergenn, prix Nobel de physiologie ou de médecine en 1973, est considéré comme l’un des fondateurs de l’éthologie moderne. Il a contribué à comprendre l’organisation des comportements individuels et sociaux des animaux. Les mouettes rieuses sont au cœur de ses travaux de recherche.

Celles-ci ont développé diverses stratégies comportementales pour échapper à leurs prédateurs. Vivant en colonie, pondant au sol, elles pratiquent la vigilance collective. Ce n’est pas un œil qui est grand ouvert, mais des centaines. Au moindre cri d’alarme, la colonie tout entière se met à la recherche de la menace.

Les mouettes rieuses ont la capacité d’identifier le type de prédateur qui s’approche, d’en déduire sa cible privilégiée (œufs, poussins ou oiseaux adultes) et de choisir le comportement de défense le plus adéquat.

« A l’arrivée d’un faucon pèlerin, les mouettes adultes désertent leur nid et prennent la fuite, car elles se savent être les cibles préférées du rapace. » En revanche, à l’approche d’un hérisson ou d’une corneille noire, lesquels sont friands des œufs ou des poussins, elles restent au nid pour défendre leur progéniture à coups de bec.

« La venue d’un renard ou d’une hermine demande une stratégie plus complexe. Pas question de rester au sol, elles n’auraient aucune chance. S’enfouir réduirait à zéro les chances de survie des oisillons. Elles pratiquent donc la technique du houspillage : après s’être envolées, les mouettes harcèlent l’intrus. Elles s’en approchent, crient et l’aspergent collectivement de fientes jusqu’à ce qu’il se fatigue et quitte la colonie», explique Pr Verheggen.

Non aux “fake news”

Vous pensiez que les oiseaux ne chantaient que pour séduire ? Détrompez-vous. Lorsque la sittelle à poitrine rousse entame son récital, certes un peu nasillard, c’est pour prévenir ses congénères de l’approche d’un rapace. Et ce chant est suffisamment aigu pour ne pas être audible par le prédateur.

« Le chant des sittelles est adapté au niveau de la menace. Ainsi, la présence au loin d’un grand-duc d’Amérique, se nourrissant habituellement la nuit de reptiles et de rongeurs, est interprétée comme une menace faible. Résultat, suite au chant, les congénères n’augmentent que très légèrement leur vigilance. En revanche, une chevêchette naine, capable d’habiles voltiges pour capturer les passereaux en vol représente une menace plus sérieuse. Le chant d’alarme de la sittelle retranscrit l’identité du prédateur, sa proximité ainsi que ses apparentes intentions. Les congénères peuvent alors répéter le chant d’alarme ou se mettre directement à l’abri.»

Dans les forêts de conifères d’Amérique du Nord, les sittelles partagent leurs habitats avec des mésanges à tête noire. « A la vue d’un prédateur, celles-ci alertent également leurs congénères en modulant leur chant selon la gravité de la menace. Curieuses, les sittelles ne manquent pas d’espionner leurs voisins et d’écouter attentivement leurs chants d’alarme. Mais lorsque la source leur semble peu fiable, elles font preuve de prudence dans le relais de l’avertissement, en produisant un chant conjugué au conditionnel. Ce que l’on pourrait presque traduire par ‘je pense qu’un prédateur se trouve à proximité, mais j’ignore s’il représente un danger réel ou non’. »

« Pouvoir vérifier la véracité d’une information est essentiel afin de ne pas colporter de faux renseignements. Que l’on soit une sittelle à l’écoute des chants de ses congénères ou un humain naviguant dans les récents réseaux sociaux », conclut François Verheggen.

Il n’y a pas que les oiseaux qui ont des comportements étonnants et élaborés. Le livre regorge de récits plus surprenants les uns que les autres. Emerveillez-vous !

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