Impossible de voyager dans l’espace – et ce, que ce soit à des fins commerciales ou scientifiques – sans tenir compte de l’environnement spatial radiatif. Car une fois que l’on quitte la bulle protectrice que constitue le champ magnétique terrestre, on est exposé aux particules énergétiques qui ont été piégées à l’intérieur de la magnétosphère, une vaste région encapsulant la Terre et à l’intérieur de laquelle toutes les particules chargées électriquement doivent obéir aux règles du champ magnétique de notre planète. Les aurores boréales sont une preuve visuelle de cette séquestration de particules.
Les propriétés physiques de la magnétosphère, avec ses nombreuses sous-structures et interactions complexes, demeurent un sujet d’étude important. A mesure que le nombre de satellites envoyés dans l’espace croît et que leur technologie se complexifie, connaître précisément l’environnement radiatif dans l’espace devient une nécessité.
Un consortium 3D
« C’est l’objectif principal d’un nouvel instrument, appelé le « 3 Dimensions Energetic Electron Spectrometer » ou 3DEES (spectromètre à trois dimensions d’électrons énergétiques), que nous préparons dans le cadre d’un consortium avec l’Université catholique de Louvain (Centre des radiations spatiales) et QinetiQ Space », explique-t-on à l’Institut royal d’Aéronomie Spatiale de Belgique.
Au sein de ce consortium, l’IASB est responsable de la conception et de la fabrication mécanique de l’instrument et du développement d’un équipement mécanique de soutien au sol (MGSE) qui sera utilisé pour les tests fonctionnels et d’étalonnage.
Affiner les prévisions météorologiques spatiales
A bien des égards, l’espace interplanétaire est loin d’être vide, mais ce qui intéresse le nouvel instrument 3DEES, ce sont spécifiquement les particules à haute énergie extrêmement variables qui peuplent la magnétosphère. Celles-ci peuvent perturber les mesures des satellites, et dans des cas extrêmes, entraîner leur perte, comme ce fut le cas pour le Satellite « Hitomi » de la JAXA en 2016.
L’instrument 3DEES couvre les gammes d’énergie des électrons et des protons (100 keV-10 MeV et 4 MeV-50 MeV respectivement) nécessaires pour alimenter les modèles de météorologie spatiale, mais aussi pour permettre d’inventer des technologies des futures missions européennes rencontrant l’environnement des ceintures de radiation.
Pour améliorer la prévision de la météo spatiale et prendre les mesures nécessaires, la caractérisation de ces particules à haute énergie dans l’environnement spatial de la Terre est cruciale. Cela consiste à identifier leur source (résultent-elles d’événements solaires ou de rayons cosmiques galactiques ?), leur distribution angulaire (de quelle direction arrivent les particules et combien de particules proviennent de chaque angle ?), leur distribution énergétique (quelle est l’énergie des particules et combien de particules trouve-t-on à chaque niveau d’énergie ?), ainsi que leur accélération (comment sont-elles accélérées le long des lignes de champ magnétique ?).
« Ces caractéristiques déterminent la dynamique complète de la population hautement énergétique de la magnétosphère. 3DEES sera en mesure de fournir les informations nécessaires, en temps quasi-réel. Il permettra de mesurer, pour la première fois, l’énergie ainsi que les flux d’électrons et de protons simultanément dans différentes directions (jusqu’à 6 angles couvrant environ 180° dans un plan). Comme les particules sont piégées dans le champ magnétique terrestre, cela permet de déduire leur distribution en d’autres endroits également, plus éloignés du lieu où 3DEES effectue ses mesures. »
L’instrument 3DEES devrait être lancé en avril 2023 à bord du satellite PROBA-3 de l’Agence spatiale européenne.