Apprivoiser la migraine qui pourrit la vie

7 octobre 2022
par Raphaël Duboisdenghien
Durée de lecture : 4 min
« #Migraine-Too », par Jean Schoenen. Presses universitaires de Liège. VP 19 euros, VN téléchargeable gratuitement sous conditions

Ce sont surtout les 25 à 50 ans qui souffrent de migraine. Mais des personnes plus jeunes, des enfants, peuvent aussi avoir des crises d’une céphalée qualifiée de primaire. La revue médicale britannique The Lancet signale, en 2020, que 5 à 10% d’hommes et 20 à 25% de femmes sont malades de céphalées dans le monde. Les taux plus élevés chez les femmes ont une cause hormonale.

En province de Liège, une enquête de 2015 révèle que sur 751 habitants de 20 à 69 ans, choisis au hasard, 34% de femmes et 18% d’hommes ont présenté des migraines durant l’année précédente.

S’appuyant sur son expérience de soins prodigués depuis 40 ans aux migraineux et sur ses recherches, le médecin-neurologue Jean Schoenen publie «#Migraine-Too». La version numérique est téléchargeable gratuitement sous conditions. Un encouragement du Conseil scientifique des Presses universitaires de Liège et l’ULiège Library à l’ »Open Access ».

Un généraliste peut vous aider

«Si vous souffrez, ne vous résignez surtout pas», dit le professeur honoraire de l’ULiège aux migraineux. «Et choisissez de consulter votre médecin plutôt que des charlatans guérisseurs ou des influenceurs sur Internet, car il peut vous aider dès à présent par les nombreux traitements disponibles. Et encore mieux dans l’avenir grâce à une série de nouvelles thérapeutiques en développement.»

Si le généraliste a affaire à un cas difficile à traiter? «N’hésitez pas à prendre l’avis d’un confrère spécialisé dans les céphalées», lui conseille l’ancien directeur de recherche au Fonds national de la recherche scientifique (FRS-FNRS ). «Comme vous le feriez pour vos patients souffrant d’autres maladies neurologiques.»

Des caractéristiques rassurantes

«A priori, une céphalée qui dure depuis un an ou plus est primaire», précise le chercheur. «Et donc non dangereuse, alors qu’une céphalée qui est récente, aiguë, requiert de la prudence et souvent des examens complémentaires.»

Une enquête menée en 2021, notamment par le Dr Heiko Pohl de l’Hôpital universitaire de Zurich (Suisse), montre que des caractéristiques plaident pour une céphalée primaire ne nécessitant pas d’examens complémentaires. Si, par ordre décroissant de fiabilité, la céphalée est déjà présente dans l’enfance. Ou si elle est rythmée par les règles. Si l’on a des jours sans migraine. Si des membres proches dans la famille ont le même type de céphalée. Ou si la migraine a disparu depuis au moins une semaine.

Le Pr Jean Schoenen met en garde. «Ces caractéristiques ne plaident pour la bénignité de la céphalée que si elles sont présentes à plusieurs, ou encore mieux, toutes en même temps. Prise isolément, aucune de ces caractéristiques n’a de valeur rassurante. Bien au contraire, si l’on ne considère que la dernière, elle est loin d’exclure des céphalées secondaires potentiellement létales. Comme, par exemple, la céphalée sentinelle qui précède une rupture d’anévrisme cérébral en moyenne de quinze jours.» En se rompant, la dilation de la paroi d’une artère provoque une hémorragie méningée.

Le cerveau du migraineux réagit différemment

La migraine est la 5e maladie humaine et la 2e maladie neurologique la plus invalidante. Le cerveau du migraineux réagit différemment aux stimulations externes et internes. Il n’est pas toujours facile de distinguer un facteur déclenchant d’un facteur aggravant. Les déclencheurs sont multiples. Notamment une consommation, même modérée, d’alcool, surtout de vin. Une hydratation insuffisante. Un manque de sommeil ou une grasse matinée. Une forte odeur ou une lumière intense. Les dépressions météorologiques. Une accumulation de fatigue, l’excès de travail cérébral, le stress aggravent la migraine. Tout comme la prise de pilules contraceptives, d’hormones pour la ménopause.

Les connaissances sur la migraine restent incomplètes. La maladie est traitable, mais pas encore guérissable. Son domaine de recherche est mal financé constate le directeur de l’Unité de recherche sur les céphalées de l’ULiège.

Des perspectives encourageantes

Pour Jean Schoenen, «l’humanité n’est pas prête d’être débarrassée de ce fléau. On pourrait d’ailleurs se demander pourquoi il n’a pas été éliminé par l’évolution darwinienne de l’espèce humaine. La migraine a peut-être été utile à nos ancêtres migraineux pour échapper à la sélection naturelle? Quoi qu’il en soit, de nos jours, elle n’offre aucun avantage existentiel. Que du contraire. Elle est un fardeau qui empoisonne la vie.»

«La mise sur le marché en Belgique du premier anticorps monoclonal anti-CGRPréc et son remboursement pour les migraineux les plus atteints, après près de deux ans de tractations et de mobilisation des collectifs de patients, ouvre des perspectives encourageantes pour d’autres traitements antimigraineux innovants à venir.»

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