Série (3/3) : « Devoirs de vacances » (Partie 1)
Cet été, Daily Science vous propose des découvertes hors des sentiers battus. Sciences, techniques ou encore environnement et histoire sont au rendez-vous.
Il n’existe officiellement que depuis 2018. Mais ses trésors sont âgés de millions d’années. « L’âme du Geopark Famenne-Ardenne, c’est le karst et ses structures », martèle Yves Quinif, professeur émérite de géologie de l’université de Mons. Le karst dont il parle, c’est ici une roche calcaire qui a connu une longue histoire mouvementée. Une histoire qui a façonné les paysages de la Famenne et qui y a donné naissance à des structures époustouflantes : grottes, rivières souterraines, stalactites et autres concrétions.
Depuis trois ans, l’unique Geopark belge reconnu comme tel par l’UNESCO plonge ses racines dans l’extraordinaire géologie que se partagent les huit communes des provinces de Namur et de Luxembourg qui composent ce territoire. De Beauraing à Durbuy en passant par Wellin, Tellin, Rochefort, Nassogne, Marche et Hotton, ce parc balaie en réalité la Calestienne, une bande de transition entre la Famenne et l’Ardenne riche en terrains calcaires. Une histoire géologique qui démarre il y a 390 millions d’années.
Géologie remarquable et ressources naturelles
« Mais un Geopark ne s’adresse pas qu’à des spécialistes », précise aussitôt le scientifique. « C’est aussi un territoire aux riches ressources naturelles, dont de multiples cavités, méconnues bien sûr. Mais il déroule aussi des paysages de dépressions schisteuses et de collines calcaires, recouvertes de forêts, de pâturages et de pelouses calcaires riches en faune et flore caractéristiques. »
« Le statut de Geopark mondial UNESCO, s’il se base sur une caractéristique de type géologique, ne se limite pas à ce seul aspect. Il implique également des règles en faveur de la protection du milieu naturel s’appliquant aux acteurs touristiques, commerciaux et industriels », rappelle encore le Pr Quinif.
Qui dit calcaire (karst) dit, bien sûr, grottes. À Rochefort, à Hotton, ou encore à Han-sur-Lesse, les sites souterrains aménagés pour le tourisme ne sont plus à présenter. Leur beauté et leur réputation dépassent largement les frontières.
Cinquante grottes en un coup d’œil
« Mais savez-vous que sur l’ensemble du Geopark, on dénombre plus de mille cavités naturelles ou creusées par l’Homme? », indique Gaëtan Rochez. Cet agronome du Département de géologie de l’Université de Namur, qui se double d’un spéléologue, est aussi un photographe passionné.
C’est dans une cinquantaine de ces cavités qu’il nous entraîne dans son livre « Escapade souterraine ». Édité par les Presses universitaires de Namur, il constitue une invitation au voyage. Une découverte de ce patrimoine discret, dissimulé au regard.
« Un patrimoine méconnu, difficile d’accès, aux paysages rares, inédits, et donc aussi fragiles », dit-il. À ce propos, il rappelle que ce milieu souterrain est le théâtre de diverses recherches scientifiques, portées principalement par l’Université de Mons, celle de Namur et l’Observatoire royal de Belgique. Ce gigantesque laboratoire souterrain permet de mener des études dans des domaines aussi variés que l’hydrogéologie, la géophysique, la biospéléologie, l’archéologie… Et, bien entendu, la géologie.
Huit ‘géobalades’ en Calestienne
« Il y a 390 millions d’années, un environnement tropical a permis la colonisation par des organismes vivants (coraux, brachiopodes, crinoïdes, spongiaires..) de fonds marins de faible profondeur », retrace, dans le livre, le Pr Vincent Hallet, co-responsable du département de géologie à l’UNamur. « L’accumulation de leurs squelettes a généré des dépôts de roches calcaires datant du Dévonien. Les forces tectoniques ont déformé ces couches initialement déposées horizontalement, pour les redresser de quasi 90 degrés. Cette bande de calcaire, épaisse d’environ 700 mètres en moyenne et orientée est-ouest, forme aujourd’hui la région de la Calestienne. C’est dans cette bande calcaire que les eaux d’infiltration, légèrement acides, ont, durant des millions d’années, entamé leur action de dissolution des calcaires conduisant aux nombreux phénomènes karstiques illustrés dans cet ouvrage.»
Après ce cours express de géologie et la découverte en images de ces sites grâce au livre de Gaëtan Rochez, pourquoi ne pas explorer in situ le Geopark et ses richesses? C’est ce que propose cette année l’association sans but lucratif Geopark Famenne-Ardenne. Elle vient d’éditer huit brochures invitant à huit promenades familiales (des ‘géobalades’) en surface, une dans chacune des 8 communes qui composent ce territoire. De quoi découvrir ce parc, le seul des 161 Géoparcs mondiaux de l’UNESCO situé en Belgique.