En route vers les antibiotiques de demain

9 novembre 2021
par Daily Science
Durée de lecture : 4 min

L’émergence de souches bactériennes résistantes aux antibiotiques pose un problème urgent de santé à l’échelle planétaire. Deux chercheurs de l’Université libre de Bruxelles proposent une approche innovante pour développer une nouvelle génération d’antibiotiques. Permettant, espèrent-ils, de limiter l’apparition de résistances et de s’appliquer à tout type d’infection. Les développements seront menés par la jeune spin-off Santero Therapeutics.

Chaque année, plus de 750.000 personnes meurent après avoir contracté une infection qui résiste aux traitements antibiotiques actuellement disponibles.

La découverte et le développement des premiers antibiotiques à la moitié du siècle passé a, certes, radicalement changé les soins de santé et augmenté notre espérance de vie.  Mais, malheureusement, voilà plus de 40 ans que la dernière génération d’antibiotiques a été développée, laissant libre cours à l’émergence des résistances dans les populations bactériennes de par le monde.

En l’absence de développement de thérapies réellement innovantes, la situation risque de s’aggraver encore :  on estime que vers la moitié de ce siècle, plus de 10 millions de personnes succomberont chaque année à des infections résistantes.

Il est donc indispensable de développer de nouvelles approches permettant de traiter des infections graves pour lesquelles nous n’avons pas ou plus d’outil pharmacologique, tout en évitant l’émergence de nouvelles résistances.

Du labo à la spin-off

Deux chercheurs de l’ULB, les professeurs Abel Garcia-Pino et Cédric Govaerts, ont créé l’entreprise Santero Therapeutics pour s’attaquer à ce défi.

« Notre travail à l’Université est de mettre en lumière les mécanismes fondamentaux de la vie, pas de faire du « drug-design ». C’est pour cela que le développement de nouveaux antibiotiques devra se faire au sein d’une entité séparée, d’où l’idée de la société spin-off », explique Cédric Govaerts. « Notre travail est un bel exemple montrant comment la recherche fondamentale nourrit la recherche appliquée. »

La spin-off s’appuie sur leur longue expertise. « Au sein de nos laboratoires respectifs – Institut de Biologie et de Médecine Moléculaires (IBMM) et Structure et Fonction des Membranes Biologiques -, nous cherchions à comprendre certains mécanismes fondamentaux du métabolisme bactérien, mais nous avons rapidement réalisé que nos découvertes ouvraient une nouvelle porte dans la lutte contre les infections », raconte Cédric Govaerts.

Une découverte qui change la donne

« Je me souviens du moment exact où Abel Garcia-Pino m’a montré ses nouvelles données. Il avait réussi à mettre en lumière une enzyme clé dans la survie des bactéries. Si nous pouvons bloquer ce véritable talon d’Achille, nous pourrons arrêter l’infection», poursuit-il.

« Alors que les antibiotiques d’ancienne génération ont été isolés un peu par hasard, en s’inspirant des antibiotiques naturels, nous proposons une approche complètement innovante qui permettra, nous espérons, d’éviter ou de limiter l’apparition des résistances », souligne Abel Garcia Pino.

« Notre découverte permet de cibler des enzymes qui sont essentielles au développement et à la survie des bactéries », explique Cédric Govaerts. « Le rôle universel de ces enzymes dans toutes les familles de bactéries indique que notre approche pourrait s’appliquer virtuellement à tout type d’infection, ouvrant dès lors des pistes thérapeutiques pour une multitude d’indications cliniques. »

Le soutien d’investisseurs privés et de la Wallonie

Accompagnés par le Bureau de Transfert Technologique de l’ULB et en partenariat avec ULB Dev’, les deux chercheurs ont créé Santero Therapeutics fin mars 2021.

« Le mot Santero est un clin d’œil à mes origines, car il désigne les guérisseurs traditionnels dans la culture cubaine », précise Abel Garcia-Pino qui est né à Cuba avant de venir parfaire sa formation scientifique en Belgique, pour finalement s’y établir.

Le projet ambitieux a rapidement attiré l’attention de plusieurs investisseurs privés. Une levée de fonds de départ («seed money ») de 1,1 millions d’euros a été finalisée en quelques semaines, consolidée ensuite par un subside de 1,4 millions d’euros de la Wallonie.

« Le monde des biotechnologies est particulièrement actif en Wallonie », commente Cédric Govaerts, « il était donc naturel de venir nous implanter au Biopark de Charleroi.  Le soutien de la Wallonie est essentiel pour démarrer nos activités dans les meilleures conditions possibles et nous mettra en position idéale pour attirer de futurs investisseurs ».

Le financement initial sera suivi, courant 2022, par une deuxième opération plus importante qui rassemblera un fonds d’investissement professionnel (le « lead investor ») et plusieurs autres investisseurs traditionnels pour accompagner la start-up jusqu’à maturité.

L’enthousiasme est palpable chez les fondateurs, et si la start-up est toute jeune, l’ambition d’une expansion rapide est déclarée. « Notre but est d’assembler une équipe de pointe, et nous avons déjà pu attirer parmi les meilleurs talents pour mener à bien le projet », conclut Abel Garcia-Pino.

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