Les rotifères peuvent se reproduire dans l’espace sans aucun problème. Cela a été démontré, il y a tout juste un an, dans le cadre du projet RISE (Rotifers in Space), qui étudie l’impact des rayons cosmiques sur la vie. D’autres rotifères, déshydratés, viennent de s’envoler vers la Station Spatiale Internationale (ISS). Les chercheurs de l’UNamur, du SCK CEN et de l’ULB, partenaires du projet, ont volontairement endommagé leur ADN avant leur départ afin de tester davantage leur résistance.
Un premier voyage spatial en 2019
L’an dernier, en orbite pendant deux semaines, les petits animaux (200 micromètres à 1 millimètre) ont été exposés aux effets de l’espace : microgravité et radiations cosmiques. A leur retour, les scientifiques les ont examinés. En particulier, leur reproduction et leur expression génique. C’est-à-dire la fabrication de molécules qui jouent un rôle actif dans le fonctionnement des cellules.
Cette première mission avait montré que l’apesanteur n’affectait pas leur fertilité. Ils ont donné naissance à une progéniture, tout comme les individus restés sur terre.
Certaines espèces, comme Adineta vaga, se reproduisent sans sexe. En se clonant, ces rotifères copient également les éventuelles erreurs survenues lors de la réparation de l’ADN. « Les analyses pour détecter d’éventuelles erreurs dans l’ADN de la progéniture sont toujours en cours. Et nous étudions également quelles molécules sont fabriquées afin de déterminer si leur métabolisme est aussi actif dans l’espace que sur Terre », explique Karine Van Doninck, professeure à l’UNamur et à l’ULB, qui étudie d’ores et déjà les rotifères bdelloïdes dans le cadre de son ERC CoG .
Dégradations volontaires
Le 5 décembre 2020, 1,8 million de rotifères déshydratés se sont envolés du Kennedy Space Center, en Floride, direction l’ISS. « Ils sont l’une des seules espèces animales au monde à survivre à une déshydratation complète et à des doses élevées de rayonnements ionisants », poursuit-elle.
Par cette deuxième expérience, les chercheurs veulent déterminer l’effet de l’apesanteur et des radiations cosmiques sur le métabolisme et le mécanisme de réparation du matériel génétique de ces organismes vivants.
Avant le départ, les rotifères ont été déshydratés dans le laboratoire LEGE (Laboratoire de Génétique Évolutionnaire et d’Ecologie). Puis irradiés par des rayonnements ionisants du type proton et RX dans le laboratoire LARN (Laboratoire d’Analyse par Réaction Nucléaire) de l’UNamur.
« Après déshydratation complète et irradiation, le matériel génétique est complètement endommagé et les individus sont inactifs. Par contre, les rotifères redeviennent actifs après réhydratation et peuvent alors réparer les dommages causés à leur matériel génétique », explique Boris Hespeels, chercheur à l’UNamur.
Copies conformes
Tenant compte de cette spécificité, et de la capacité de clonage des rotifères, les chercheurs vont en étudier des copies identiques dans l’espace et sur Terre. Et les hydrater exactement au même moment « en leur administrant de l’eau minérale belge et du jus de laitue. »
« Ensuite, une fois ces rotifères de retour au laboratoire, nous pourrons les comparer avec leurs clones restés sur Terre », ajoute Victoria Moris, chercheuse à l’UNamur.
Les capacités de restaurer de l’ADN sont-elles aussi rapides dans l’espace que sur Terre ? L’apesanteur et les rayons cosmiques, influencent-ils ce processus de réparation ? Demeure-t-il aussi performant dans l’espace ? Comment se portent les descendants ? Autant de questions qui attendent réponses. Impatiemment.
« Les rotifères tolèrent 200 fois plus de radiations qu’un humain, alors que leurs structures cellulaires sont semblables. Un aperçu des mécanismes sous-jacents de ce processus de réparation de l’ADN permettrait éventuellement d’augmenter la résistance des astronautes aux rayons cosmiques », précise la radiobiologiste Sarah Baatout (SCK CEN). Son collègue, Bjorn Baselet, conclut: « Cela ouvrirait la porte à une exploration spatiale plus poussée. »