Plus de 70 ans après la Seconde Guerre mondiale, le Centre d’études et documentation guerre et sociétés contemporaines est interrogé quotidiennement par des enfants, des petits-enfants, des arrière-petits-enfants de Belges proches de l’occupant allemand. Afin d’assouvir leur besoin d’informations, Koen Aerts (UGent), chercheur au FWO en Flandre, s’est entouré d’historiens et d’archivistes pour rédiger «Was opa een nazi?» aux éditions Lannoo. Traduit en «Papy était-il un nazi?» chez Racine. Grand public, ce livre guide descendants de collaborateurs, étudiants et chercheurs dans le dédale des archives et des arcanes judiciaires. Détaille le type d’informations qu’ils trouveront. Après un examen approfondi de la répression en Belgique.
«Ce travail rendra des services à de multiples égards», juge Karel Velle, archiviste général du Royaume. «Il s’agit avant tout d’un instrument de recherche. Le questionnement et les différentes pistes envisageables y occupent une place centrale. L’ensemble des sources a été transféré aux Archives de l’État. Ce qui soulève des problèmes de conservation et de numérisation.»
Francophones et Flamands, la fracture
«Aujourd’hui, de nombreuses personnes ne connaissent pas ce passé», explique Koen Aerts. «Pour beaucoup de ces descendants, c’est un véritable traumatisme. Sans informations correctes, cela restera une interrogation. La répression de la collaboration continue à poser problème à la société belge. Francophones et Flamands n’ont pas toujours la même façon de percevoir des événements qui se sont déroulés à cette époque. Ces divergences sont révélatrices des fractures qui rendent difficile tout débat serein sur cette question. Trop souvent, les émotions prennent encore le pas. Le livre propose des textes juridiques, des données chiffrées, des schémas, des photos… Cette combinaison permet de présenter le point de vue le plus récent et le plus précis sur la répression de la collaboration.»
Quelque 500.000 Belges ont un membre de leur famille qui a collaboré avec l’Allemagne nazie. Cet engagement se résume rarement à une ou deux motivations clairement définies. Certains s’engagent pour lutter contre le communisme. D’autres accueillent comme des sauveurs les apôtres de l’Ordre nouveau du national-socialisme. Rêvent d’une revanche politique et raciale…
La Belgique règle ses comptes
La vengeance de la population explose lors de la Libération. Trois types de «juges» distinguent les bons patriotes des traîtres: des associations privées, la rue et surtout l’État. Vingt et un conseils de guerre siègent. Le nombre de dossiers ouverts représente 4 à 5% de la population belge de 8.300.000 habitants. Selon que l’on compte ou pas les dossiers concernant le travail volontaire.
La répression laisse de nombreuses traces dans les archives. D’après les estimations les plus fiables, entre 52.500 et 55.000 personnes sont condamnées pour collaboration. Soit 1,20% de l’ensemble de la population de 1944. Les Cantons de l’Est ont des résultats plus élevés. Comme les provinces d’Anvers, de Flandre orientale et du Limbourg. La conséquence d’une plus grande disposition à la collaboration selon les chercheurs. Et d’une densité de population plus importante qu’en Belgique francophone.
Une plateforme virtuelle sur la Seconde Guerre mondiale
«Les débats politiques et publics sur ce passé se basent trop souvent sur une mauvaise interprétation des termes», observe Koen Aerts. «Prenons par exemple l’amnistie. Aujourd’hui, il n’y a plus de peines qui peuvent être supprimées. Mais il faut comprendre la différence entre une peine et une exclusion administrative ou une autre sanction. Il est impossible d’évaluer l’impact réel de la répression sans définir correctement ces termes et le cadre juridique.»
«Il existe un consensus pour l’histoire scientifique, qu’importe la langue qu’on parle. Et cela est également vrai pour la résistance. Alors, pourquoi ne pas rêver à une suite: Papy était-il un héros?»
Le Centre d’études et documentation guerre et sociétés contemporaines lance «Belgium WWII» une plateforme virtuelle sur la Seconde Guerre mondiale financée par la Politique scientifique fédérale. Son contenu multilingue se concentre sur collaboration, répression et justice en temps de guerre.