Après avoir questionné la relation entre l’homme et la machine, « Le Pavillon » de Namur plonge le visiteur dans l’univers des êtres vivants. La nouvelle exposition « Biotopia » interroge, au travers d’une vingtaine d’œuvres, notre rapport à l’environnement et la manière dont celui-ci peut être une source d’inspiration pour créer des technologies, davantage en harmonie avec la nature.
Les effets visibles de la lumière et de l’air
Parmi les objets exposés, le visiteur peut, notamment, apprécier la sculpture de l’artiste et chercheuse Pepa Ivanova, réalisée en collaboration avec le Laboratorium de l’Académie royale des beaux-arts de Gand (KASK), un laboratoire expérimental combinant art et biotechnologie.
La sculpture présente l’évolution comportementale de divers colorants quand ceux-ci interagissent avec la nature. Pour ce faire, ces colorants ont été injectés dans une solution gélifiée issue de la fermentation de bactéries Sphingomonas elodea, elles-mêmes encapsulées dans du verre. L’action de la lumière et la chaleur du soleil ont un effet physico-chimique sur la substance, donnant à voir une œuvre en continuelle transformation.
Plus loin dans l’exposition, le collectif d’artistes bruxellois « Muesli » joue également sur l’effet de l’environnement sur la matière avec des peintures hygro-sensibles, c’est-à-dire sensibles à l’humidité ambiante. Imprégnés de chlorure de cobalt, les tableaux varient en couleurs et en textures selon le degré d’humidité dans la pièce, mais aussi selon le matériau exploité (soie, viscose, plaque d’aluminium…).
Des assiettes colorées sans pigments
La couleur se retrouve aussi au cœur des travaux de la chercheuse Maria Boto et de la désigneuse Heleen Sintobin, du Laboratorium du KASK. « Ecology of Colour » propose une alternative durable aux pigments industriels – qui présentent un impact négatif sur l’environnement – pour colorer des objets de la vie quotidienne. Leur projet mise notamment sur les couleurs structurelles produites par des nanostructures biologiques que l’on trouve chez de nombreux insectes, comme les papillons.
Ces structures interfèrent avec la lumière visible, produisant ainsi une large gamme de couleurs naturelles. Un changement d’orientation produit une couleur différente selon le point de vue ou l’incidence de la lumière. En exploitant des nanostructures de mélanine, un biomatériau naturel et biodégradable, Maria Boto et Heleen Sintobin produisent des pièces de porcelaine aux couleurs chatoyantes.
Le champignon dans tous ses états
A côté de ces assiettes, le visiteur peut également découvrir des abat-jour fabriqués à partir de mycélium, les filaments souterrains ramifiés des champignons. Une réalisation de la coopérative bruxelloise Permafungi.
Initialement active dans la culture de pleurotes – en utilisant comme engrais du marc de café -, Permafungi a fait un pas de plus dans l’économie circulaire en ajoutant du mycélium aux résidus de ses cultures, créant ainsi un « myco-matériau ».
« Ses qualités en termes de résistance, d’imperméabilité et de résistance au feu sont intéressantes pour créer des produits de qualité », comme des panneaux isolants. Plus écologiques, les myco-matériaux produisent dix fois moins de CO2 et utilise environ huit fois moins d’énergie que la production de mousse de polystyrène, traditionnellement utilisée comme isolant dans la construction.
Dans la même veine, Audrey Speyer, fondatrice de la start-up belge PuriFungi, expose ses « myco-cendriers ». Source majeure de pollutions, les composant toxiques présents dans les mégots sont ici décomposés par le mycélium en seulement quelques semaines, une méthode connue sous le nom de myco-remédiation. A terme, un nouveau matériau rigide, associant mégots et mycélium, sera créé. Si ce sont des cendriers qui sont présentées au public de l’exposition, de nombreux autres objets peuvent être fabriqués à l’aide de cette technique, comme des emballages.
« Biotopia », entre biotope et utopie, est à découvrir jusqu’au 27 novembre 2022 au Pavillon, à l’Esplanade de la Citadelle de Namur.