Série (3) « Sciences et coopération »
Sept étudiants de l’Ecole polytechnique et l’Ecole interfacultaire de bioingénieurs de l’ULB viennent de rentrer d’une mission d’un mois au Brésil à Tomé-Açu, pour y installer un séchoir solaire de semences de cacao.
« Pour la première fois de notre vie d’étudiant ingénieur, nous devrons traiter un problème réel intégré dans un contexte tout aussi réel », indiquaient-ils juste avant de partir. « C’est le vrai sens de l’ingénieur: mettre ses compétences techniques au service de personnes qui en ont besoin ».
Tous sont de futurs ingénieurs mais dans des spécialisations différentes : électromécanique, électronique, bioingénierie et construction civile.
« Sur place, ils ont collaboré avec une coopérative assez importante qui voulait innover parce que la technique traditionnelle de séchage entraîne des pertes importantes et une qualité variable », explique Benoit Haut, professeur à l’Ecole de bioingénieurs de l’ULB.
Selon cette technique traditionnelle, les semences sont séchées sur de grandes bâches disposées à même le sol. Parfois, les semences sont exposées directement au soleil. Parfois, elles sont couvertes. Le séchage au gaz est dans certains cas utilisé.
« A l’ULB, nous connaissons bien le séchage », note Benoit Haut.
Des prototypes de séchoir ont en effet déjà été réalisés pour sécher du poisson, des ananas…
Calibrer le séchoir correctement
« Le vrai problème, ce n’est pas que l’appareillage est trop complexe. Il suffit en effet d’avoir du bois, un isolant, un plastique pour créer l’effet de serre, un ventilateur et des panneaux solaires. Tout cela se trouve facilement. Pour le ventilateur, on peut en récupérer sur des vieux ordinateurs par exemple», poursuit-il.
« Le problème est qu’il faut bien dimensionner le système pour que les graines sèchent dans des conditions appropriées. Il faut que l’air ne soit ni trop chaud ni trop froid afin que toutes les graines sèchent en même temps et pas trop rapidement. Le système ne doit pas consommer trop ou trop peu d’énergie par rapport à celle qui lui est fournie. »
Au niveau de la construction, le séchoir ressemble à une tour composée de plateaux empilés les uns sur les autres. A la base de la tour, il y a une entrée d’air préalablement chauffé. Cela peut aussi être une espèce de serre.
Le prototype de séchoir créé par les étudiants doit être capable de faire sécher des lots de 50 kilos de graines.
« C’est assez stimulant de se dire qu’on va créer une technologie de A à Z. Trop souvent, le travail de l’ingénieur consiste à faire des plans, à modéliser, à simuler… Ici, nous devions réaliser le prototype et nous avons pu nous rendre compte que malgré un an de réflexions, au moment de la réalisation, il faudra toujours ajuster le tir : certains outils manquent, les matériaux que nous voulions n’existent pas ou sont hors de prix, le mécanisme que nous voulions mettre en place est trop compliqué à réaliser… », notent les étudiants.
Apprendre des ouvriers locaux
A ce titre, les discussions avec les ouvriers locaux ont été utiles pour trouver de meilleures solutions.
« La fabrication de son prototype impose une certaine dose d’humilité par rapport au travail accompli précédemment», reconnaissent les étudiants.
Pour l’instant, il ne s’agit que d’un prototype. Après l’avoir réalisé, ils ont dû effectuer une série de tests.
« Chaque test prend trois jours parce que la semence, en raison de sa densité, sèche lentement », précise Benoit Haut.
Si le prototype ne devait pas fonctionner tout à fait correctement, cela ne remettrait toutefois pas en péril tout le projet. En effet, durant la prochaine année académique, une étudiante va étudier ce sujet dans le cadre de son mémoire.
« Le projet n’est donc pas abandonné », souligne Benoit Haut.
Par ailleurs, le projet actuel est mené en collaboration avec l’Université fédérale du Para (UFPA) au Brésil (dans laquelle deux Belges travaillent). Celle-ci assurera le suivi du projet.
Sensibiliser les étudiants à d’autres cultures
“Les projets menés au Sud par l’ULB dans le cadre de la Cellule de coopération de l’Ecole polytechnique (Codepo) (voir ci-dessous) sont des sujets intéressants intellectuellement. Et puis c’est satisfaisant de constater qu’on fait des choses qui fonctionnent bien. Enfin, pour les étudiants c’est extrêmement valorisant. Un des points dont nous sommes le plus satisfaits – et ça peut paraître égoïste – c’est l’apprentissage des étudiants. Ils vont sur le terrain, doivent faire une présentation devant un jury… Ils se donnent beaucoup. Et quand on y réfléchit, ça fait une vingtaine d’étudiants, chaque année, sensibilisés aux questions de développement et qui agiront peut-être différemment dans leurs relations avec ces pays. Ce n’est pas négligeable », note Benoit Haut.
Les sept étudiants ont particulièrement apprécié le fait de réaliser toutes les étapes du projet: des recherches sur le chocolat ou les données météorologiques à la réalisation des plans du prototype en passant par l’état de l’art des différentes méthodes de séchage existantes.
Enfin, le séjour au Brésil a demandé un effort d’adaptation. D’autant qu’ils étaient hébergés dans une famille d’immigrés japonais…
« Il y avait une mixité de cultures très difficile à appréhender. Cela a pu créer quelques tensions car nous n’étions pas toujours au courant que nous pouvions agir de manière déplacée… Mais un des moyens de s’adapter est la communication. Et le vivre permet de mieux s’en rendre compte…”, concluent-ils.
La Codepo est active sur trois continents
L’envoi d’étudiants est assuré par la Codepo. Celle-ci existe depuis 2006. Elle a déjà participé à des projets en Asie (Cambodge et Vietnam), en Afrique (Mali et Burkina Faso) et en Amérique du Sud (Bolivie et Brésil).
Les thématiques sur lesquelles a déjà travaillé la Codepo portent sur le séchage alimentaire, le renforcement de la maîtrise des technologies solaires de différents acteurs de la santé publique (extraction d’huile, frigo solaire pour le transport de vaccins), ainsi que la télémédecine.