« Tintigny », la sixième météorite belge, est une "eucrite". Elle vient de l'astéroïde Vesta. © Thierry Hubin/IRSNB
« Tintigny », la sixième météorite belge, est une "eucrite". Elle vient de l'astéroïde Vesta. © Thierry Hubin/IRSNB

La sixième météorite belge sort de l’ombre… grâce au magazine du FNRS!

12 décembre 2018
par Christian Du Brulle
Temps de lecture : 5 minutes

C’est une très belle histoire qui vient de trouver son épilogue au Muséum de l’Institut royal des Sciences naturelles de Belgique (IRSNB). Depuis quelques heures, la sixième météorite belge y est désormais exposée au public.

Cette nouvelle météorite, la sixième découverte en Belgique depuis 1855, vient de rejoindre les collections du musée et est désormais exposée dans la salle des minéraux. Comment ce caillou tombé du ciel à Tintigny, en province de Luxembourg, en 1971, vient-il d’arriver à Bruxelles?

« Suite à un article publié sur mes recherches en Antarctique sur les météorites dans le FNRSNews 107», s’exclame le Dr Vinciane Debaille, Maître de recherche FNRS au Laboratoire G-Time (Géochimie: Traçage isotopique, minéralogique et élémentaire) de l’Université Libre de Bruxelles.

« Albert Rossignon, qui était alors instituteur dans le village de Tintigny, avait récupéré ce caillou chez Eudore Schmitz, un agriculteur du village », explique-t-elle. « En février 1971, l’agriculteur avait observé la chute de cette météorite qui avait traversé le toit de sa grange. Il l’a montrée à l’instituteur Rossignon, qui pensait alors l’identifier comme une météorite. Et l’histoire en est restée là… jusqu’en février de cette année ».

« L’abbé Rossignon qui avait conservé ce caillou avait entretemps découvert l’existence de mes travaux sur les météorites antarctiques ».

Extrait du FNRSNews 107 présentant les travaux du Dr Debaille.

Extrait du FNRSNews 107 présentant les travaux du Dr Debaille.

« Il s’est souvenu de l’existence de cette fameuse « pierre de l’espace », de son histoire et du fait qu’elle appartenait à Eudore Schmitz. Il a repris contact avec la famille de l’agriculteur. Les enfants et petits-enfants du découvreur de cette météorite m’ont contactée pour identifier cette météorite. Aujourd’hui, ils en ont fait don au Muséum des Sciences naturelles ».

Réunion de famille pour les enfants et petits-enfants d'Eudore Schmitz, lors de l'inauguration de la nouvelle météorite belge au Muséum des Sciences Naturelles, à Bruxelles.
Réunion de famille pour les enfants et petits-enfants d’Eudore Schmitz, lors de l’inauguration de la nouvelle météorite belge au Muséum des Sciences Naturelles, à Bruxelles. Devant la vitrine, un fragment du toit de la grange qui a été traversé par la météorite en 1971.

« Tintigny ” vient ainsi rejoindre les cinq météorites belges déjà connues (St-Denis-Westrem, Tourinnes-la-Grosse, Lesve, Hainaut et Hautes Fagnes). Elle a officiellement été ajoutée à la « Meteoritical Database ».

En direct de l’astéroïde Vesta

Cette sixième météorite belge n’est pas une «chondrite ordinaire» (la variété la plus commune de météorite pierreuse) comme les cinq autres spécimens belges. Cette météorite a été classifiée comme «eucrite» (autre sorte de météorite pierreuse), ce qui en fait une météorite très rare (seulement 2 % des météorites retrouvées) et témoigne de l’activité volcanique sur l’astéroïde Vesta. Il n’y a actuellement que huit autres eucrites en Europe.

« Les météorites peuvent être subdivisées en deux familles », rappelle l’Institut Royal des Sciences Naturelles de Belgique. « La première famille comprend des météorites primitives, appelées chondrites, qui viennent d’astéroïdes qui sont restés intacts depuis la formation du système solaire. Ces météorites représentent 95% de toutes les météorites sur Terre. Les 5 météorites belges exposées jusqu’ici au Muséum appartiennent à cette famille. Les 5 % restant – dont les 2% d’eucrites – viennent d’astéroïdes, ou de planètes, qui ont connu une activité volcanique. Ce qui montre la rareté de ces météorites non primitives ».

« La météorite de Tintigny est classifiée comme « eucrite », et provient de l’astéroïde Vesta, qui est le 2e plus gros astéroïde de la ceinture d’astéroïdes située entre Mars et Jupiter. Cet astéroïde a été identifié comme la source des eucrites depuis la mission de la Nasa Dawn en 2011 et 2012. Plus particulièrement, nous pourrons ainsi étudier l’activité volcanique sur cet astéroïde. De plus, la météorite de Tintigny a enregistré de nombreux chocs d’impacts à la surface de Vesta. Cela témoigne de l’hostilité de notre système solaire en dehors de «l’oasis» de notre Terre ».

Localisation des six météorites "belges". © IRSNB
Localisation des six météorites “belges”. © IRSNB

Des centaines de météorites reposent dans les collections de l’IRSNB

« Nous disposons de plus de mille météorites dans nos collections », indique le Dr Marleen De Ceukelaire, conservateur des collections de géologie à l’IRSNB.

« Notre collection se divise en deux parties : la collection générale et la collection des météorites antarctiques ». Cette deuxième catégorie de météorites est composée, comme son nom l’indique, de météorites découvertes en Antarctique dans le cadre d’un programme de recherche belgo-japonais, en collaboration avec les universités VUB et ULB, lors d’expéditions menées entre 2009 et 2013. Un programme dans lequel le Dr Vinciane Debaille est très active. Cette collection compte actuellement 415 météorites.

La collection générale comprend elle aussi deux catégories. « Il y a les météorites reconnues officiellement et qui sont inventoriées dans la Meteoritical Database. Et les autres, dont on sait effectivement qu’elles sont des morceaux pierreux qui proviennent de l’extérieur de l’espace terrestre et qui sont donc des météorites, mais qui ne sont pas encore officiellement répertoriées avec leurs noms dans la base de données reconnue », indique le Dr De Ceukelaire. « Cette collection compte 1030 pièces ».

Deux chiffres encore pour fixer les idées: la plus grande météorite des collections du Muséum est exposée dans la Galerie des Dinosaures. C’est un morceau d’environ 435 kilos de la météorite Mont Dieu, tombée en France à quelques pas de la frontière belge. « Tintigny », de son côté, ne fait « que » 210 grammes. Mais quelle histoire!

Gros plan sur la météorite "Tintigny". Le cube marqué d'un "B" donne l'échelle (1 cm). © Thierry Hubin/IRSNB
Gros plan sur la météorite “Tintigny”. Le cube marqué d’un “B” donne l’échelle (1 cm). © Thierry Hubin/IRSNB
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