Azuré du trèfle - Cupido argiades © Hubert Baltus

L’effet papillon du changement climatique

13 juillet 2021
par Camille Stassart
Temps de lecture : 4 minutes

Série (2/5) : “Le retour des animaux sauvages”

Disparue de nos contrées durant plusieurs décennies, l’espèce était classée comme éteinte, jusqu’à sa réapparition en Gaume, en 2008. Depuis, l’azuré du trèfle (Cupido argiades) a recolonisé de nombreuses zones de notre territoire. La principale raison du retour de ce papillon diurne est à attribuer au réchauffement du climat belge. Les hivers doux et les étés chauds encouragent, en effet, sa reproduction. Il est dès lors possible que cet insecte s’installe davantage chez nous, comparé à sa distribution passée.

Des butineurs impactés par la disparition de leurs plantes-hôtes

Comme son nom l’indique, les plantes-hôtes de ce butineur sont les trèfles des prés et les trèfles blancs. Même s’il peut aussi se développer sur d’autres végétaux de la famille des fabacées, comme la luzerne. Il s’agit de légumineuses dont la culture a fortement régressé dans la seconde partie du 20e siècle, contribuant à chasser le papillon de nos régions.

« La luzerne et le trèfle étaient auparavant cultivés comme compléments alimentaires pour le bétail. Mais la pratique a été quasi abandonnée, principalement au profit du soja importé. À cela, s’est ajoutée la perte d’habitats propices, en raison de l’urbanisation des campagnes », explique Hubert Baltus, naturaliste chez Natagora, et co-auteur de l’inventaire wallon des papillons diurnes de 2019.

« Par ailleurs, le territoire belge se situait, à l’époque, à la limite de l’aire de répartition de l’azuré du trèfle, la zone géographique au-delà de laquelle l’espèce ne peut plus survivre. Aussi, on pouvait rencontrer ce papillon dans le Condroz, en Famenne, et en Ardenne, mais l’observait surtout dans le sud, en Lorraine belge. Ses conditions de vie n’étaient donc déjà pas optimales, ce qui a influencé sa disparition. »

Depuis sa réapparition, la superficie occupée par ce papillon semble s’agrandir. De fait, selon la plateforme d’observations naturalistes de Belgique, l’espèce a été aperçue dans les mêmes régions naturelles qu’autrefois, mais aussi en Campine et en Hesbaye. Il aurait ainsi tendance remonter vers le nord.

Evolution du nombre d’azurés du trèfle observé par an © Observatoire.be – Cliquez pour agrandir

Des conditions climatiques optimales font passer l’habitat au second plan

« L’azuré du trèfle fréquente majoritairement les prairies humides, mais il est capable de s’adapter à une gamme assez large d’habitats, tels que les prairies sèches, les pelouses calcaires, les friches de zoning, etc. », précise Hubert Baltus. « Et plus les conditions climatiques lui sont favorables, c’est-à-dire lors d’hivers doux et d’étés chauds et secs, plus il peut tolérer des habitats moins intéressants. C’est donc essentiellement le changement climatique qui a favorisé son retour chez nous. »

Au vu de l’évolution des températures ces dernières décennies, il est d’ailleurs possible que ce papillon s’établisse de plus en plus dans nos régions. « L’aire de sa répartition va vraisemblablement évoluer. Les trois dernières années ont connu des étés très chauds, ce qui a contribué à sa résurgence », confirme le naturaliste.

Anomalies, entre 1833 et 2020, de la température annuelle moyenne à Uccle, par rapport à la période de référence 1961-1990 © IRM – Cliquez pour agrandir

Et l’azuré du trèfle n’est pas la seule espèce à avoir tiré profit du dérèglement climatique. De nombreux autres papillons se réinstallent aujourd’hui chez nous du fait qu’ils retrouvent un milieu propice à leur développement. « On peut par exemple citer l’hesperie des potentilles, revenu début 2010, alors qu’il n’avait plus été vu depuis de 50 ans. Ou, plus récemment, le fadet de la mélisse, qu’on a observé pour la première fois à l’été 2020, après 25 ans d’absence.»

Hespérie des potentilles – Pyrgus armoricanus © Hubert Baltus – Cliquez pour agrandir

La préservation des habitats reste une priorité

Le retour de ces quelques espèces, pourra-t-il, à l’avenir, compenser la disparition d’autres dont la survie est mise en péril par le réchauffement du climat ? « C’est probable », répond Hubert Baltus. « En termes de nombre d’espèces, on sera peut-être même gagnant. Mais il faut garder à l’esprit que ces retours sont liés au bouleversement du climat, ce qui n’est pas une bonne nouvelle dans l’absolu… »

Pour l’heure, même si l’azuré du trèfle semble s’implanter en Belgique, il est encore trop tôt pour affirmer que l’espèce est aujourd’hui stable. Avec 3602 individus observés depuis 2010, il figure toujours sur la liste rouge des papillons de jour, et reste considéré comme régionalement éteint.

« Bien qu’il n’existe pas d’action destinée à soutenir directement le retour de cette espèce en particulier, beaucoup d’efforts ont été fait pour restaurer des milieux naturels favorables aux papillons en général. Un nouveau projet européen coordonné par Natagora vient notamment de débuter dans le but de restaurer des pelouses, prairies et forêts humides sur au moins 500 hectares d’habitats naturels menacés en Lorraine, Ardenne méridionale, Fagne et Famenne » conclut Hubert Baltus.

 

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