Un écu du 16e siècle en argent, des jetons remontant à Louis XIV, un denier du 12e siècle, mais aussi des spatules en bronze ou encore une hache en fer retrouvées lors de fouilles réalisées à la Grand-Place de Namur après l’incendie de 1914… Mesures Covid obligent, on ne se bouscule (malheureusement) pas dans le vaste hall d’entrée des Archives de l’État pour y découvrir ces trésors de la SAN, la Société archéologique de Namur. Ces objets, et bien d’autres exposés jusqu’au 18 avril, illustrent les diverses missions assumées par cette société savante, qui vient de fêter ses 175 ans.
Un patrimoine à sauvegarder, à étudier et à valoriser
« Depuis sa création, en 1845, les missions de la SAN sont toujours restées les mêmes », indique Catarina Pereira, commissaire de l’exposition et assistante scientifique à la SAN. Tout en guidant les visiteurs à la découverte de cette exposition, elle en précise les grandes lignes. « Il s’agit de sauvegarder les pièces archéologiques et de présenter leurs modes d’acquisition. Nous en dressons également des inventaires et assurons leur conservation. »
« Des études scientifiques de nos collections, souvent réalisées avec des partenaires académiques, sont également menées. Enfin, il y a le partage de ce patrimoine avec le public, comme cette exposition, par exemple. »
Dans la salle des Archives de l’État, l’exposition s’articule en quatre modules distincts qui reprennent ces diverses thématiques et les illustrent de différents vestiges provenant des collections de la SAN.
Une recherche avant tout collaborative
En ce qui concerne les recherches scientifiques, les partenariats évoqués par Mme Pereira se basent principalement sur des collaborations avec des équipes universitaires ou relevant d’institutions fédérales ou régionales.
On pense au projet CRUMBLE, évoqué dans une des vitrines présentant un crâne et une mandibule. Ce projet de recherche s’intéresse aux pratiques de crémation au fil des siècles. Il regroupe des spécialistes de différentes disciplines issus de l’Université libre de Bruxelles, de la VUB (son alter ego néerlandophone), de l’Université de Gand et de l’Institut royal du patrimoine artistique.
Mêlant archéologie, anthropologie, géochimie et géologie, il s’agit d’un des projets du programme « Excellence of Science », financé par le FNRS et son homologue flamand le FWO.
L’objectif est d’identifier diverses informations sur les individus incinérés. « Jusqu’à récemment, les ossements brûlés ne pouvaient pas être datés, car le collagène disparaît au-delà de 700 degrés », apprend-on dans l’exposition. « Toutefois, les scientifiques ont observé des traces de carbone dans des os calcinés extrêmement blancs. Ce carbone provient partiellement de l’os, et partiellement du bois utilisé pour l’incinération. En partant de l’hypothèse que le feu de bois et l’ossement datent de la même époque, il devient dès lors possible de les dater ».
La SAN a mis à disposition des partenaires du projet CRUMBLE des ossements issus d’une vingtaine de sites du Haut-Empire romain de la région namuroise.
Une Société également active sur le terrain
Les premières fouilles menées par la SAN remontent à 1850. Comme les autres sociétés savantes de l’époque, elle voyait là, la possibilité de récolter de nombreuses pièces pour développer ses collections. « Mais rapidement, la Société archéologique a porté une attention croissante à l’aspect scientifique et au contexte de trouvaille », rapporte la SAN. « Elle finira par fouiller, sur le territoire de la province de Namur, des sites remontant de la Préhistoire à l’époque médiévale. »
« Si l’activité archéologique intense et systématique de la Société archéologique de Namur prend fin avec la Première Guerre mondiale, elle pâtit, dès 1903, de la création du Service des Fouilles de l’État. Ce nouvel organisme absorbe les financements publics, n’incitant plus guère le gouvernement à financer les sociétés savantes de province. »
« Le manque de subsides publics et de personnel ne permet plus à la Société archéologique que des interventions occasionnelles. La dernière campagne de fouilles de la Société archéologique est menée au Château des Comtes de Namur entre 1996 et 2005, avec le soutien financier de la Ville de Namur et logistique de la Région wallonne. »
Écouter le discours présidentiel de 1849
Sur les murs de cet espace d’exposition, une longue ligne du temps attire le regard. Elle retrace la vie de la Société. Au début de cette fresque temporelle, un code QR invite le visiteur à dégainer son smartphone. On entend alors résonner le discours inaugural du premier Musée archéologique, prononcé en 1849 par Eugène del Marmol, Président de la Société.
« Ce n’est, bien entendu, pas lui qui parle », précise la commissaire de l’exposition. « Nous disposions du texte dans nos archives. Un acteur l’a interprété. »
À la fin du parcours, le visiteur est mis à contribution. Trois œuvres tirées des collections de la SAN lui sont présentées avec une question: laquelle devrait-on proposer prochainement au classement comme Trésor par la Fédération Wallonie-Bruxelles ? La plus ancienne paire d’échasses namuroises, un askos (vase antique évoquant une outre) découvert à Flavion ou un très rare ensemble de matrices de sceaux ? Le vote se fait par bulletins colorés.
Une expo à découvrir aussi en ligne
Pour les amateurs d’archéologie qui n’ont pas l’occasion de se déplacer pour découvrir l’exposition présentée aux Archives de l’État, la SAN a concocté une alternative numérique avec le concours de l’association « Musées et Société en Wallonie ».
Le projet « Behind The Museum » propose de découvrir l’exposition et les locaux de la SAN en réalité virtuelle.
Mais le mieux, bien sûr, est de venir découvrir l’exposition sur place.