L’immense majorité du miel vendu en Belgique provient de l’étranger. Pour produire davantage de miel sur notre territoire, il est nécessaire d’implanter davantage de cultures mellifères sans utilisation de pesticides. « Plan Bee », recherche réalisée par Nature et Progrès, étudie la faisabilité agronomique, apicole et économique de semer, en agriculture biologique et sur grandes surfaces, une diversité de fleurs attirant les abeilles. Et ce, dans l’optique de produire une palette de produits : du miel, bien sûr, mais aussi, en exploitant les plantes mellifères ou leurs semences, des farines, des huiles, des condiments et du fourrage. Le tout en accueillant l’entomofaune sauvage.
Des analyses poussées
Afin de permettre l’expérimentation in situ, la Société Wallonne des Eaux (SWDE) a mis à disposition des terrains proches de ses sites de captage d’eau. Le plus grand d’entre eux est situé à Ciney. Sur 12 hectares, phacélies, bleuets, coquelicots, trèfles blancs, trèfles rouges, bourraches, sainfoins, sarrasins et autres vipérines égaient désormais le lieu de leurs folles couleurs.
Les abeilles mellifères butinent dans un rayon de 5 km. « Grâce au pollen ramené à la ruche, il est possible de déterminer l’origine botanique des fleurs butinées », explique Catherine Buysens, responsable du projet Plan Bee.
Les analyses polliniques du miel sont réalisées, d’une part, par microscopie au laboratoire du Cari, une association belge sans but lucratif créée une équipe de chercheurs du Laboratoire d’écologie de l’UCLouvain. Et d’autre part, au CRAW (Centre Wallon de Recherches Agronomiques), selon la méthode dite de «metabarcoding», une technique d’identification moléculaire permettant la caractérisation génétique d’une espèce à partir d’une courte séquence d’ADN. Et donc d’aller plus loin dans la détermination de l’espèce végétale.
Au fil des saisons
« Les analyses polliniques révèlent que les abeilles ont visité au moins 32 espèces végétales pour se fournir en nectar et en pollen au cours de la saison mellifère 2019. »
Dans le miel de printemps, on constate une dominance de fleurs de haies et d’arbres. Les 26 ruches installées sur le site de Ciney ont ainsi offert du miel d’aubépine, de saule et de marronnier, avec une production comprise entre 2,7 et 11,7 kg par ruche.
En été, les abeilles ont davantage porté leur dévolu sur les trèfles rouges, les trèfles blancs, les ronces, les phacélies. Les apiculteurs qui ont installé des ruches sur le site ont comptabilisé entre 6,7 et 40 kg de miel par ruche.
« Ensuite, au mois de septembre, ce fut essentiellement du miel de ronces, de trèfles, de phacélies et de centaurées. Avec une production de 7,5 kg par ruche pour un apiculteur, et 13,2 kg pour un autre. »
Diversification agricole
En plus de nourrir les abeilles et autres insectes, les plantes mellifères semées peuvent être valorisées par la production de semences, de graines transformées en huiles, en farines ou en condiments pour l’alimentation humaine. Mais aussi en graines et en foin pour l’alimentation animale.
La production de semences de fleurs sauvages, actuellement un marché de niche, permet d’espérer des recettes pouvant aller de 3500 à 5000 euros/ha. Concernant les graines de bourrache, de tournesol, de colza ou de courge oléique transformées en huile, on peut s’attendre à 1300 € par hectare. Idem pour la farine de sarrasin. Si les graines de sarrasin et de tournesol sont destinées à l’alimentation animale, l’agriculteur peut tabler sur 1500 euros de recettes par hectare. Enfin, s’il fauche après la floraison, il obtiendra un foin qui lui rapportera environ 85 euros par tonne de matière sèche.
« La principale difficulté pour les producteurs qui se tourneraient vers cette diversification sera de trouver un marché pour écouler leurs produits et d’être équipés correctement pour mener à bien ces travaux agricoles », précise Catherine Buysens, agronome.
Pour offrir une vision exhaustive, les expérimentations de « Plan Bee » devraient être menées en champs durant encore 3 ans « Si les résultats agronomiques, apicoles et économiques sont probants, cette étude devrait permettre d’inciter les agriculteurs à installer des zones de culture de fleurs mellifères, sans pesticides, à l’attention des abeilles et des pollinisateurs sauvages. Le miel produit pourrait se substituer à une partie du sucre issu des betteraves avec, en prime, une plus-value pour nos paysages et la biodiversité », conclut-elle.