Série (1/5) : « Les spin-offs esquissent le futur »
Faisant partie du paysage, on ne note pas toujours leur présence, voire leur intérêt. Dans les villes, arbres et arbustes procurent pourtant de nombreux bienfaits. Ils purifient l’air, abaissent la température ambiante – souvent étouffante dans les cités -, améliorent et protègent la structure des sols ainsi que la qualité de l’eau et maintiennent la biodiversité.
Aider à garder le plus longtemps possible ces arbres sur pied est l’objectif de l’entreprise Aliwen. Cette spin-off de l’Université Libre de Bruxelles conseille, depuis 2003, les propriétaires et gestionnaires d’espaces verts. L’intérêt qu’il porte à la bonne santé des végétaux en milieu urbain la place en pionnière dans notre pays.
Évaluer la santé des arbres
De la même manière qu’un médecin, l’équipe de la spin-off établit un diagnostic de l’arbre et prescrit, si nécessaire, un traitement.
« Médecin des arbres », c’est d’ailleurs le titre sous lequel se présente Murielle Eyletters, la fondatrice et responsable d’Aliwen. « C’est quand même mieux qu’“expert en physiologie végétale qui réalise des diagnostics phytosanitaires”. Au moins tout le monde le comprend et le retient », s’amuse l’entrepreneure.
Celle-ci a lancé son activité après avoir travaillé quelques années au sein du laboratoire de Physiologie et de Génétique moléculaire des Plantes de l’ULB. « J’y ai mené ma thèse. Le sujet était l’impact des contraintes de l’environnement urbain sur les arbres. Dans ce cadre, des méthodes et des outils pour déterminer et quantifier ces stress ont été mis au point. J’ai pensé qu’il serait intéressant d’exploiter ces méthodes de diagnostic en dehors de l’université », indique la Dre Eyletters.
Ainsi est née la spin-off « Aliwen », signifiant « arbre remarquable » en Patagonie chilienne. Alors qu’elle était financée initialement par l’organisme de soutien aux entreprises, Sambrinvest, Murielle Eyletters a pris la décision en 2011 de racheter l’entreprise et de créer un bureau d’étude et d’expertise. Avec une centaine de clients par an, il propose trois types de services : le diagnostic, le recensement du patrimoine boisé et l’autopsie.
Auscultation des vivants…
Le diagnostic vise à identifier la cause des défaillances des arbres et arbustes. Les facteurs de stress peuvent être abiotiques. C’est-à-dire liés à l’environnement urbain, comme la température, la lumière ou encore le compactage des racines dans les trottoirs. Ils peuvent aussi être biotiques, incluant les pathogènes qui attaquent les arbres.
« Pour établir ce diagnostic, j’analyse visuellement l’arbre, son tronc, ses racines, ses feuilles. Cela permet de relever les symptômes voire même de détecter directement les pathogènes. Selon les éléments observés, des outils spécifiques sont employés comme un tomographe à ondes sonores. Cet appareil va scanner et analyser la qualité du bois à l’intérieur du tronc. »
Une fois la santé de l’arbre évaluée, les clients reçoivent des conseils sur la marche à suivre. L’abattage n’est proposé que lorsqu’il est inévitable. « Notre approche vise avant tout à soigner l’arbre s’il vient à dépérir » souligne Murielle Eyletters. Cela peut passer par la taille du végétal ou par l’application de traitements naturels.
« Dans la lutte contre les chenilles, il existe des glus végétales à enduire sur le tronc. Les insectes sont ainsi capturés avant qu’ils ne dévorent les feuilles », poursuit-elle.
Dans le cas des grands espaces verts, les gestionnaires peuvent consulter l’état sanitaire et l’agenda des interventions grâce à la plate-forme « Aliwen tree manager » : « C’est un outil d’aide à la gestion que j’ai développé il y a quelques années. Je propose au client d’effectuer l’inventaire de leur patrimoine arboré. Cela inclut la cartographie des espèces, les caractéristiques dendrologiques de chaque arbre (hauteur, espèce, âge, circonférence de tronc) et leur état de santé. Ces données sont ensuite injectées dans la plate-forme », développe Murielle Eyletters.
…Et autopsie des morts
La spin-off a réalisé l’inventaire des 150 hectares du domaine du château de Rambouillet, près de Paris. Mais aussi celui de l’ensemble des parcs classés de la Région bruxelloise et de la ville de Lille.
L’entrepreneure rappelle que, contrairement aux forêts qui sont capables de s’auto-réguler, les espaces verts en milieu urbain demandent de l’attention et de l’entretien. « La gestion des espaces verts passe notamment par le respect des règles de plantation. Planter 100.000 arbres dans une commune et les laisser par la suite à l’abandon et mourir, cela ne sert à rien.»
Aliwen est parfois appelée après la mort d’un arbre afin d’en déterminer la cause. A cette fin, la société collabore avec les laboratoires du Centre Agronomique de Recherches Appliquées de la Province de Hainaut et la Haute École Condorcet. Ceux-ci analysent les échantillons de bois prélevés par l’entreprise et identifient l’ADN du pathogène responsable de la mort de l’arbre. Cela permet de prévenir la maladie chez ses pairs encore en vie.
Au travers de ces institutions, l’entreprise finance la recherche dans ce secteur. Ce domaine d’étude reste toutefois peu investi. « Les projets de recherches sur les arbres appellent une vision écologiste. Le but est, en effet, de préserver la santé des arbres en détectant les pathogènes et en mobilisant des méthodes pour les traiter. Cela est moins intéressant économiquement que de simplement abattre les arbres » se désole la responsable d’Aliwen.
« Pourtant, sous bien des aspects, il apparaît évident que la vie dans les grandes villes deviendraient vite insupportables sans arbres. D’où l’importance de les préserver au maximum. »